jeudi 14 janvier 2010

Vaincre...

Je dois bien me résoudre à avouer que je pense très peu à Kircher. Finalement. Bon, il a été me semble-t-il l’objet d’un livre qui a lui-même été l’objet d’un prix l’an dernier, mais dans la mesure où je ne l’ai pas lu et n’en nourris en aucune façon l’intention… Non, je venais de voir un assez beau film de Marco Bellochio qui montrait l’obstination d’une femme à se faire reconnaître comme l’épouse de Benito Mussolini, et c’est donc en sortant du cinéma et à ma grande surprise qu’Athanasius Kircher m’est apparu…


C’était un jésuite du 17ème siècle. Un drôle de type qui inventait de drôles de choses : la lanterne magique, comme tout le monde, mais aussi des bizarreries plus singulières comme le « piano à chats » ou bien l’ « aérateur de volcan » – ce qui se passe de tout commentaire ou nécessite plusieurs volumes d’explications détaillées c’est selon. Je rassure les plus curieux d’entre vous : ces ouvrages existent. Ce type a laissé derrière lui 34 000 pages de considérations théologico-scientifiques sur à peu près tous les sujets. Notre homme était une des sommités intellectuelles de son époque. Bref. Pour ne citer que cela, Athanasius, fort de sa rigueur toute scientifique, s’était mis en tête de démontrer le caractère sacrilège de la tour de Babel…

Souvenons-nous mes frères : Nemrod, fils de Koush, lui-même premier né de Cham, fils de Noé (je résume à l’attention de ceux qui ne souhaiteraient pas se plonger dans La Genèse X – 8.10), avait donc décidé de faire construire une tour qui monterait jusqu’au ciel. Or Dieu, à qui cette idée déplaisait puissamment en raison de son scandaleux parfum d’orgueil, se fit fort de multiplier les langues au cœur du chantier afin que plus un couvreur ne comprit un traître mot de ce que pouvait lui dire un maçon lui-même perplexe face au premier contre-maître venu. L’astuce céleste brisa-là l’érection d’une tour jugée bien suffisante par le Très Haut.

Soit. Mais revenons à Kircher pour qui l’aversion divine pour le beau métier d’architecte ne produisit pas une démonstration suffisamment éclatante à son goût. Ainsi se mit-il en devoir de reconstituer la tour de Babel si elle avait abouti pour… prouver qu’elle ne pouvait raisonnablement le faire. Par de savants calculs des masses de la tour et de la terre, par de nombreux dessins, Kircher prouva aux yeux d’un monde médusé que le poids d’une telle tour n’aurait pu que déséquilibrer la planète et la faire basculer de son orbite ce qui, au 17ème siècle comme au 21ème se présente comme une hypothèse génératrice d’inquiétude ! CQFD. Le fait scientifique au service du fait religieux.

En un mot comme en 34 000 pages : vaincre !

Mais pourquoi ? – me demandais-je au sortir de l’obscurité.

Parce que, quelque part, au fond, peut-être bien que oui : l’orgueil est un pêché capital.

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