lundi 10 décembre 2012

Rise of the ménagère




Dans Terminator 3 : Le Soulèvement des machines, film de 2003 de Jonathan Mostow, un gentil robot (joué par Arnold  Schwarzenegger) doit protéger le héros, John Connor (joué par Nick Stahl) contre le méchant robot sexy (joué par Kristanna Loken, très sexy, j’en bande encore) qui veut le tuer pour des raisons qu’il n’est pas utile de rappeler ici. Dans une scène, le méchant robot sexy est parvenu à reprogrammer le gentil robot pour qu’il tue John Connor. Le gentil robot est alors tiraillé entre cette instruction par défaut qui le pousse à tuer le héros, et un sursaut conscient de gentil robot qui lui fait annuler cette instruction. Pour exprimer cette confusion à l’écran, on nous montre une vision subjective du gentil robot où diverses données télémétriques s’affichent en surimpression sur l’image de John Connor en train de fuir et où clignotent alternativement les messages « Kill John Connor » et « Abort last command ».

Au bureau, l’autre jour, j’ai été confronté à une situation similaire. Je sais, j’ai une vie palpitante. C’est comme ça. L’affaire est la suivante. J’ai découvert l’existence d’un phénomène extrêmement curieux. Je n’en ai pas encore mis à jour tous ses rouages mais les grandes lignes m’en sont apparues avec suffisamment de clarté pour que j’en fasse dès aujourd’hui la révélation au Monde, via ce blog. Car il faut bien que le Monde sache. Le temps presse : Noël approche. Je m’explique.

Vous connaissez les marchés de Noël. Cette lèpre, ce cancer qui prolifère dans nos centre-villes à l’approche des fêtes. Vous connaissez cette pseudo-tradition ancestrale apparue il y a quelques années. Vous connaissez ces grotesques cabanes en bois de cagette abritant mal du froid les pauvres gars qui ont dû se résoudre à accepter ce boulot grotesque. Vous connaissez les objets laids et inutiles qui y sont vendus à des prix effarants. Vous connaissez le mauvais vin chaud que l’on y vend et que personne ne boit. Vous connaissez ces écœurantes décorations de Noël, toutes de neige synthétique, boules en plastique et guirlandes électriques criardes. Vous connaissez tout ça.

Les marchés de Noël sont en tous points méprisables. C’est entendu. Pourtant, avez-vous remarqué que les ménagères de plus de trente ans ont à leur endroit des réactions extrêmement contradictoires ? J’entends chaque année en cette saison mes collègues autour de la machine à café, ma mère, mes cousines ou d’anonymes ménagères de plus de trente ans croisées dans la rue dérouler la même litanie absurde :

« Les marchés de Noël, c’est nul. J’adore ça. Quelle horreur. C’est génial. C’est con. C’est cool. Je ne comprends pas que les gens soient assez cons pour aller dépenser leur sous là-dedans. J’y ai fait toutes mes courses de Noël, comme ça, je suis tranquille. J’irai jamais dans un truc pareil. J’y retourne demain avec une copine. Il paraît que c’est celui de Strasbourg le meilleur. C’est le plus ancien. C’est ridicule. On vend les même choses dans tous. Cette année, je vais à celui de Strasbourg, j’ai eu un mal fou à trouver un hôtel. Ce qu’on y vend, c’est que de la cochonnerie. J’adore. C’est comme dans l’ancien temps. Que des trucs faits en Chine. J’ai horreur du vin chaud, on sait pas ce qu’ils mettent dedans. Y’en a un nouveau plus près de chez moi qui a l’air bien. Tous ces cons qui s’entassent là-dedans, je te jure. J’y vais chaque année... »

Tout ça dans un même souffle, en une même phrase. Ma théorie est qu’a l’instar du gentil robot de Terminator 3, ces femmes ont été reprogrammée par la Commission Nationale de Contrôle des Ménagères de plus de trente ans, la CNCM30. Cet organisme, dont je ne peux, pour l’instant, prouver l’existence, est pourtant sans aucun doute bien réel. Comment expliquer sinon que ces femmes, qui se rendent bien compte de la nullité extrême des marchés de Noël, soient néanmoins contraintes en permanence par une sorte de tâche de fond implantée dans leurs cerveaux de se rendre dans ces lieux grotesques ? Comment ? Cette théorie de la CNCM30 permettrait en outre d’expliquer un certain nombre d’autres agaçants mystères de l’âme féminine tels que, par exemple, l’inexplicable engouement pour les huiles essentielles, l’ostéopathie ou encore pour une boisson aussi répugnante que le rooibos (oui, ça s’écrit avec deux o... ça aussi, tiens, si je me retenais pas, j’écrirais bien un texte pour en dire du mal, mais bon, je manque de temps).

Complot ! Manipulation mentale ! Asservissement ! Ménagère de plus de trente ans : redresse la tête !