dimanche 26 septembre 2010

Le vieil enfant et la mère

« Allô, Hrundi ? Il faut absolument que je te parle de ton frère ! »

« Oh… C’est toi ? »

« Evidemment. Tu ne sais pas ce qu’il m’a fait encore celui-là ? »

« Non… Je dois avouer que… »

« Il est arrivé en larmes hier soir… à dix heures passées ! »

« Pourquoi était-il en… »

« Dix heures passées ! Et que je pleure… et que je criaille… Tu te rends compte ? Ce que doivent penser les voisins ! »

« Mais que t’a-t-il dit à la fin ? »

« À son âge ! Se mettre dans des états pareils ! Je te demande un peu… Est-ce qu’il n’a pas tout pour lui ? Non mais est-ce qu’il n’a pas tout pour lui ! »

« Et bien, apparemment pas puisqu’il... »

« Non mais quel traîne-grole ! Mais quel abominable traine-grole ! Il est resté plus de deux heures ! À me bassiner avec ceci, à chougner sur cela ! »

« Est-ce que tu vas finir par me dire ce que… »

« Heureusement que tu es là, toi ! Heureusement ! Ah, toi ! Tu n’es pas du genre à t’apitoyer sur toi-même comme il le fait ! »

« Tu me connais très m… »

« Et cette fille que tu as rencontrée ! Cette petite Jayamala est épatante. D’ailleurs je le lui ai dis. Dieu m’est témoin, je le lui ai dis à notre première rencontre ! Je lui ai dit : "Jayamala ma petite guirlande, tu es un peu la fille que je n’ai jamais voulu avoir." »

« Tu voulais dire : que tu n’as jamais eue ? »

« Comment ? Oui, si tu veux. Tout ce que tu veux, moi ça me va ! »

« Et bien alors dis-moi pourquoi Paridil était en larmes hier soir… »

« Pourquoi ? Oh mais est-ce que je sais, moi. À mon âge… Cette femme, cette Mâdharasi dont il s’est amouraché, n’a pas dû dire ou faire ce qu’il attendait voilà tout ! Quelle idée de dépendre d’une fille appelée Mâdharasi ! Il a trouvé – à son âge on ne saura jamais comment ! – le moyen de tomber amoureux d’une qui ne l’aime pas, évidemment. Enfin, tu le connais. Il n’y a pas grand-chose à en dire. Cela dit je l’aime bien, moi, Paridil. C’est vrai. Dieu m’est témoin que je l’aime bien ton frère. »

« Tu veux dire : ton fils ? »

« Hum ? Oui, oui, c’est ça, mon fils, ça n’est pas ce que j’ai dit ? Bref… Tenons-nous au courant. Essayes de l’appeler, ça lui fera sûrement bien plaisir. Comme à moi. Quel plaisir tu me fais lorsque tu m’appelles. Tu ne m’appelles pas suffisamment. Tu sais, je suis âgée. Le temps passe si vite. Enfin, c’est la vie. On met des enfants au monde et puis… Bah ! A bientôt mon grand. »

« Au revoir, Maman. »



Dans la famille Bakshi, je demande le prophète. Lorsqu’on parle famille il est très souvent injuste de passer sous silence son existence à celui-là. Nombre de familles en possèdent un. De prophète. Le père ou la mère (plus rarement les deux) le désigne, le choisis. C’est alors qu’il s’incarne. Il se met à exister. Plus ou moins indépendamment du corps terrestre qui lui sert de réceptacle. Toujours aux dépends de ceux qui peuplent tant bien que mal la réalité. Aux yeux fous de la mère, Hrundiette Nallarasi Bakshi-la-reine-de-beauté, le prophète n’est autre que Hrundi. Ce statut a fait de Paridil le paria. Nallarasi se refuse à croire que nous ne sommes tous que des chiures de mouches sur l’immense vitre de la vie. Son petit Rhundi n’est pas une chiure. Cela ne se peut car Nallarasi-la-reine-de-beauté n’a rien d’une mouche.


Qu’est-ce qu’un prophète ? Et bien un proph…


« Oui, allô ? »

« Hrundi, lumière de ma vie, j’ai oublié de te demander si tu avais bien reçu ma carte pour ta fête ? Tu vois ce que ton frère me fait faire ! J’en perds la tête, tiens… Pourtant ta fête est aussi la mienne. Alors ? »

« Oui, oui. Je l’ai bien reçue. Et je t’en remercie d’ailleurs. Et je te souhaite une bonne saint Hrundi, enfin une bonne sainte Hrundiette, également.»

« Tu as trouvé le chèque ? »

« Je l’ai trouvé oui. Il était dans l’enveloppe, alors forcément… »

« Le montant te suffit ? »

« C’est trop. »

« Comment ? Mais rien n’est trop beau pour celui par qui la vie de tout être vivant prend enfin sens et… »

« C’est parfait. Parfait, vraiment.»

« Et la photo de ta mère ? L’as-tu trouvée la photo de ta mère ? »

« Et bien oui… Je… Elle aussi était dans l’enveloppe… »

« N’était-elle pas sublime ta mère du temps de sa splendeur ? Hein ? N’étais-je pas une sacrée pépée ? »

« Et bien ma foi, tu… Il est certain que… Enfin, est-ce qu’on peut vraiment nier que… »

« Les mots te manquent ? Je comprends ça. Ils manquaient aussi à ton père. Ah, ton père… Si seulement il était là… C’est arrivé si subitement. D’un coup ! Crac ! Et puis plus rien. Rien. À part toi. »

« Écoute maman… je… »

« Oui, tu as du travail, je comprends. Ah ! Les enfants… Tu manges à ta faim seulement ? Il faut manger à ton âge ! »

« À quel âge ? »

« Oui, oui. À bientôt, ma lumière, mon amour, ma paupiette. À bientôt. Ta Maman raccroche. »

« Bon. On se rappelle… »



« Prophète : n.m. est un emprunt très ancien (v.980) au latin chrétien propheta « devin qui prédit l’avenir » et, dans la Bible, « homme inspiré par Dieu parlant en son nom pour révéler ses volontés ». Le mot latin est emprunté au grec prophêtês désignant l’interprète d’un dieu, celui qui transmet la volonté des dieux, annonce l’avenir et, à l’époque chrétienne, celui qui annonce la volonté du Dieu unique. »



On le sait depuis « La Vie de Bryan », seul le prophète peut nier qu’il est le prophète. Inutile donc de se perdre dans de trop longues explications auprès de la mère. La rationalité ne présente de toute façon que peut d’intérêt lorsqu’il s’agit de cerner un type de rapport au monde. N’a-t-elle pas, de par le passé, servi à tout justifier, la rationalité ? De l’usage de la torture à la création des camps de concentration… Non. Toute tentative de s’expliquer est nulle et non avenue. Dès lors, demandons-nous plutôt ce qu’est un prophète sans prophétie ? En ce qui concer…



« Oui ! Allô ? »

« Mon Hrundinou ? »

« Qui d’autre veux-tu qui… Qu’est-ce que tu veux encore, Maman ? »

« Tu es fâché ? Quelqu’un t’a fait des misères ? »

« Écoute, il faut que je travaille et… »

« Ah, oui. Le travail ! Quel stress de nos jours. J’ai vu ça à la télévision. Chez France Télécom il s’en jette par les fenêtres comme s’il en pleuvait ! Tu n’as pas de "désirs morbides", des fois ? »

« Pardon ? »

« Des "désirs morbides", c’est comme ça qu’il appelle ce que ressentent tous ces gens, là, qui prennent les fenêtres pour sortir… »

« Non, je ne… »

« Tant mieux ! Parce que s’il t’arrivait quelque chose, n’importe quoi, Dieu m’est témoin que je n’aurais plus aucune raison de vivre, tu m’entends ? Plus aucune ! J’en mourrais, tu m’entends bien, là ? Tu te rappelles ce que me disait le bon docteur Zorg à ta naissance ? »

« Je pourrais difficilement m’en rappeler mais comme tu me l’as répété des milliers de fois je… »

« Le docteur Zorg a dit en parlant de toi, Hrundinounet, oh, je l’entends encore, il a dit : "à votre âge, Madame, celui-là, ça sera votre bâton de vieillesse… !" »

« … »

« Je te laisse penser à tout ça. À très bientôt, mon Hrundinounetnitounet. »



Évidemment, le prophète a droit aux plus beaux atours. La pourpre, la myrrhe, l’or, l’encens lui sont destinés. Les soieries les plus raffinées, les étoffes richement brodées lui reviennent de droit. Entre taffetas et mousselines, il passe lentement une enfance interminable comme un solitaire trop onéreux dans la vitrine d’une bijouterie fantaisie. Pour qu’il devienne le plus gros solitaire du quartier – comme on le dirait également d’un sanglier, notons-le – son Dieu le bourre régulièrement des mets les plus fins, les plus délicats… ou pas, mais toujours en importantes quantités. Il est celui qui luit et qui, toujours plus gros, n’en sera que plus éblouissant. Il est celui qui brille de milles feux aux yeux malades de la mère professionnelle. Car il existe des mères qui exercent en amatrices. Celles-là, votre serviteur l’a constaté, prennent soin d’élever des hommes et non des fils comme c’est là la tâche et l’obsession des mères professionnelles. En retour, le prophète, replet, se doit, par contrat tacite, de ne jamais trop s’éloigner de la déesse Maman. Elle est et restera son seul Dieu. Il est et doit être jusqu’à la fin des temps son « bâton de vieillesse ».

Derrière cette expression se cache un fait patent : le prophète n’est que glaise entre les doigts avides de la déesse. Il n’est ni plus ni moins qu’un objet, certes le plus précieux de tous, mais qui jamais n’accèdera au statut envié d’individu. Dans la famille Bakshi, le moyen de domination de l’autre le plus courant est l’angoisse. Ce sentiment puissant, lentement érigé au rang des Beaux Arts par des générations de Bakshi aux yeux écarquillés et à la bouche bée, auxquelles le peintre danois Edward Munch à rendu le plus vibrant des hommages dans son tableau Le Cri, ce sentiment sans limite donc irradie de la déesse Hrundiette Nallarasi-la-reine-de-beauté ! Etre son prophète, accomplir sa prophétie signifie clairement être l’objet d’une incommensurable déferlante d’angoisse perpétuée et perpétuelle, qu’il faudra tout à la fois subir et entretenir.

Mais illustrons à satiété ce qui n’est encore qu’un vague concept par l’entremise de quelques questions précises…

Question : qu’arrive-t-il au prophète lorsque Hrundiette Nallarasi-la-reine-de-beauté sa mère, ivre de télévision bouchonnée, apprend l’existence de « la drogue » et du trafic dont elle est l’objet dans les établissements scolaires ?

Réponse : le prophète est examiné sous la moindre de ses coutures avec une régularité inhumaine et au premier prétexte venu à un âge pourtant avancé de son développement. Le prophète grandit ainsi dans une sorte de commissariat où ses plus infimes velléités d’intimité sont mises à mal par l’œil omniscient de la police. Sous le képi, les yeux hagards, éperdus d’inquiétude de Hrundiette Nallarasi Bakshi qui n’a foi en rien ni personne et mènera jusqu’au bout un combat juste et bon contre le mal qui déjà s’insinue dans les veines de son prophète, c’est probable ? Non ! C’est un fait !, Arrh ! Mon Dieu ! Mais qu’ai-je fais pour mériter ce fils drogué qui avait pourtant tout pour lui ! Ça n’a pas d’importance, mais le prophète en question attendra l’âge inconvenant de 28 ans pour fumer sa première cigarette de marijuana.

Question : quid du prophète lorsque sa mère, Hrundiette la forcenée, gavée de monceaux de programmes avariés, se met à croire dur comme fer à la folle et secrète carrière de travesti de son fils à la simple faveur d’une erreur téléphonique où l’interlocuteur d’infortune lui demanda après une certaine Succuba Bakshi… Le propre nom de son fils associé de la sorte à quelque prénom tout aussi féminin qu’impur suffit à convaincre le cerveau enfiévré par l’angoisse de la mère que son prétendu prophète, au lieu d’haranguer les foules comme son destin l’y engageait légitimement, préférait les aguicher par l’entremise de vaporeux déshabillés que l’œil pervers d’invertis libidineux notoires ne pouvait manquer d’apprécier ! Ainsi, d’un instant à l’autre, celui qu’elle avait mis bas était-il mis à bas ! Trainé dans une fange qui n’encombrait que trop la boite crânienne maternelle pour ne pas s’évacuer alentours tel un purin malfaisant, le prophète, redevenu pour l’occasion Hrundi-le-petit-le-sans-grade, était mis en demeure de s’expliquer à propos de ses activités nocturnes et contre-nature ! Comment sortait-il de la maison la nuit venue pour aller s’adonner au stupre et à la luxure ? Hein, comment ? Qui ? Mais qui donc l’avait ainsi jeté sur les chemins honteux de la dépravation ? N’était-ce pas cet ami d’origine grecque ? C’était sûrement lui : n’avait-il pas celui-là abandonné ses études pour se consacrer à la coiffure ! C’était bel et bien là la preuve : un pseudonyme, un ami aux origines tendancieuses s’adonnant à un métier dont on sait bien par qui il est en règle générale pratiqué : la messe était dite ! Le destin de Hrundi scellé ! D’autant que celui-ci, tel un enfant battu sur lequel s’abat pour des raisons qui lui échappent, à un moment inattendu, la violence parentale venue d’on ne sait où, Hrundi, donc, tétanisé à la barre d’un procès improvisé, ne savait que dire pour sa défense. La mère, philosophe à ses heures, sait bien que « qui ne dit mot consent » ! Alors Hrundi s’agace. Il est subitement d’humeur chafouine ! Il hausse le ton devant son créateur. Un sentiment d’absurde et d’injustice l’envahit ! Tel Job, une sainte colère s’empare de tout son être. Pour que cessent les mots infâmes qui s’abattent sur lui comme une pluie de grêlons – de ceux dont on dit après coup qu’ils avaient la taille d’un œuf – Hrundi laisse aller non sans violence une main désormais hors de contrôle sur la bouche impie qui hurle à présent des malédictions ! Ce geste aura deux conséquences. Premièrement : Hrundi aura pour un temps tordu le coup à toute culpabilité et se sera par un tel geste affranchi de toute forme d’aigreur quant aux mères en général grâce à la limite imposée à la sienne en particulier, il aura résisté pour de bon en perçant cette sorte d’abcès que génère toujours le dos rond face à l’adversité, il aura défendu sa dignité toute humaine pour de ferme, pour de dur, sans qu’aucune des abominables prédictions de la mère (qui le menaçait une fois de plus de se supprimer à l’aide du fusil de chasse paternel et qui profitait même de l’occasion pour bien stipuler qu’après sa mort aucune femme – aucune ! – ne pourrait aimer un être aussi vil que Hrundi) ne se soit depuis réalisées. Deuxièmement : un conseil de famille composé de la mère et de ses propres parents fut réuni à la hâte et décida rapidement qu’il fallait faire interner le prophète !

Interné, Hrundi l’était depuis sa moins tendre enfance. Cela le désappointa mais ne lui fit aucunement peur.

Question : le prophète peut-il être déchu définitivement de tous ses droits divins ?

Réponse : Hélas, non. Il regagna rapidement son statut de prophète aux yeux fous de Hrundiette Nallarasi-reine-de-beauté, et ce pour deux raisons : tout d’abord la vie de la mère devait avoir un sens que seule la mise au monde d’un prophète pouvait justifier, d’autre part, si la mère voulait avoir de nouveau l’occasion de radier de l’ordre du Divin sa progéniture il fallait bien que cette dernière regagne son titre.

Question : la mère a-t-elle cessé par la suite ses activités funestes ?

Réponse : Hélas, trois fois hélas, non bien sûr ! Par la suite la mère, toujours très professionnelle, ne manquera jamais de répandre ça et là ses angoisses de femme seule ayant elle-même été élevée par une mère abusive et malade d’angoisse. Justifiant chacun de ses actes aberrants par l’amour inconditionnel qu’elle voue à son prophète de rejeton, elle fera conséquemment tout pour que celui-ci soit rejeté. Ainsi insinuera-t-elle continuellement que les « filles » qui s’intéressent à lui contre toute attente ne le font que pour des raisons qui outragent sans vergogne la plus élémentaire des honnêtetés. Ainsi ne manquera-t-elle pas d’appeler le premier employeur du prophète pour dresser de son fils un portrait vibrant d’une sensibilité toute télévisuelle, à mi-chemin entre « La boom » et le Téléthon. Accueilli par ce premier staff comme le dernier des demeurés, est-il besoin de préciser que Hrundi aura bien du mal à faire son trou au sein de l’entreprise car il lui faudra tout d’abord sortir de celui creusé par la mère à grand renfort d’amour protec...


« Allô ? Qu’est-ce que tu veux encore Maman ? »

« Hrundi, mon petit ? Paridil à l’appareil. »

« Oh, Paridil, mon grand, j’ai cru que c’était encore la vieille qui m’appelait. »

« Elle est difficile en ce moment. Tu sais ce que c’est : elle vit seule, n’a que la télévision, s’imagine toute sorte de chose… »

« Comme quoi, à défaut de justice la vie sait faire preuve de justesse… »

« Tu es un peu dur. Ça n’est pas facile pour elle. Elle n’a que t… »

« Moi ? Et toi alors ? Je n’ai jamais compris pourquoi ça ne te gênait pas qu’elle me préfère à toi d’une façon aussi flagrante ? C’est injuste et ça n’a pu que te manquer… »

« On ne peut pas tout avoir. C’est notre histoire : tout un poème mais pas de quoi faire pleurer les honnêtes gens. Des deux vieux enfants que nous sommes, je ne suis pas celui qui a eu l’amour voilà tout… »

« Et qu’est-ce que tu as eu, alors ? »

« La paix. Et ça aussi ça n’a pas de prix crois-moi. »

« … »

« Hrundi ? »

« Oui. »

« Tu as faim ? »

« Toujours. »

« Alors voilà ce qu’il nous faut : un bon gros repas bien cher ! »

lundi 20 septembre 2010

Votre mère est folle


Si. Elle est folle. Je le sais. Même si je ne connais pas votre mère, je le sais : elle est folle. J’en suis désolé, notez bien.

Mais ne niez pas. Votre mère est folle. Toutes les mères sont folles. Toutes. La mienne, la vôtre, toutes. Vous le niez peut-être, mais prenez un instant et écoutez votre cœur : vous le savez, au fond, qu’elle est folle. Vous savez bien que nombreuses sont les choses que vous ne pouvez pas lui dire, dont vous ne pouvez pas parler avec elle car elle ne les comprend pas. Vous avez appris en grandissant à ne plus tenir compte de ses avis et de ses conseils dans bien des domaines car ils n’ont aucun rapport avec la réalité du monde. Vous les écoutez, ces avis, ces conseils, avec une oreille distraite et avec l’air de bienveillante impatience que l’on réserve aux enfants et aux vieillards séniles. Vous les écoutez par amour pour elle, mais vous savez qu’ils n’ont aucune valeur.

Toutes les mères sont folles. Et tout le monde le sait, au fond. Quoique j’ai une amie qui m’a dit un jour, comme ça, au détour d’une discussion, que sa mère n’était pas folle. « Pourquoi serait-elle folle, ma mère ? » m’a dit cette amie. « Comment ne le serait-elle pas ? » ai-je, je crois, finement rétorqué (je crois que j’ai rétorqué ça. J’avais bu, je ne sais plus). Et c’est vrai : je ne la connais pas, sa mère, mais pourquoi ne serait-elle pas folle, hein ? Vous avez déjà vu une mère que ne soit pas folle, vous ? Moi pas. Jamais.

Mais foin de généralités et abordons le cas de mon proche parent, Bertram. La mère de Bertram est folle, bien sûr. Sa folie prend plusieurs formes, mais s’il y en a une qui est particulièrement pénible pour Bertram, c’est l’acharnement que met sa mère à vouloir influer sur sa vie professionnelle : bien que Bertram ait un travail intéressant et raisonnablement bien payé, sa mère a décidé qu’elle devait lui en trouver un autre et elle se consacre à cette tâche avec l’énergie convulsive des fanatiques.

Betram vient d’une région pauvre, rurale, économiquement et culturellement sinistrée. Une région en tout point semblable, pour tout dire, à celle du Puy-en-Velay. Il a quitté cette région très tôt pour faire des études et pour fuir l’influence destructrice de sa mère folle. Ses études terminées, il a pris soin de chercher du travail loin de la région maternelle, à Paris, et sans aucune aide de sa mère. Celle-ci n’a eu de cesse depuis d’essayer de le ramener sous sa domination en tachant de lui trouver un travail au Pays, mais Bertram a jusqu’ici tenu bon.

On pourrait penser que, compte tenu de la difficulté invraisemblable qu’il y a à trouver du travail à notre époque, il aurait été difficile pour Bertram de repousser les propositions professionnelles empoisonnées émanant de sa mère. Mais il n’en était rien : sa mère étant folle à lier, toutes les démarches qu’elle entreprenait pour faire embaucher son fils étaient si grotesquement déconnectées de la réalité qu’elle n’aboutissaient à rien de concret.

Ce n’est pas pour autant que Bertram avait la paix avec sa mère, bien sûr. La folie des mères est rarement une folie douce. Il ne s’agit pas, en général, de simplement dire n’importe quoi sur un monde auquel on ne comprend rien. Non : la mère vise généralement à imposer sa vision aberrante de la réalité à son entourage et à le contraindre à agir en conséquence. La mère est de plus aidée par le principe selon lequel il est généralement moins épuisant de faire ce qu’elle veut, aussi aberrant que cela puisse être, plutôt que d’essayer de ne pas le faire et ainsi se trouver confronté à ses supplications, menaces, actions absurdes, coups de téléphones incessants, manœuvres de rétorsion, pleurs, cris et autres chantages affectifs. La mère est en effet une fanatique : elle ne recule devant rien pour faire aboutir ses maléfiques et absurdes projets.

C’est ainsi que, par un bel après-midi de fin d’été, Bertram s’est retrouvé à la porte du Palais du Luxembourg. Sa mère ayant, au Pays, rencontré le sénateur Durand sur le marché aux bestiaux, elle avait littéralement supplié le digne parlementaire de recevoir son fils dans son bureau, au Sénat, au Palais du Luxembourg, là-haut, à Paris, et de « faire quelque chose pour lui ». Que recouvre dans le cerveau malade de la mère de Bertram ce concept de « faire quelque chose » pour son fils, nul ne le sait. Peut-être a-t-elle, dans son délire, des visions nocturnes de pourpre et d’or dans quelque palais de la république où des gens puissants et mystérieux dirigeraient le pays depuis d’antiques fauteuils en chêne tendus de velours rouge sous les conseils que Bertram leur murmurerait à l’oreille. Ou peut-être pas. Qui sait ce qu’il se passe dans le cerveau d’une mère.

Quoiqu’il en soit, après avoir torturé le sénateur Durand jusqu’à ce qu’il accepte de recevoir son fils, la mère de Bertram avait torturé son fils jusqu’à ce qu’il accepte d’être reçu par le sénateur. « Il en ressortira bien quelque chose. Il est sénateur quand même. Et puis avec les impôts qu’on paye. » avait-elle avancé comme argument pour justifier toute l’affaire.

« Mais qu’est-ce que je fous là, putain ! » se disait quant à lui Bertram en attendant le sénateur Durand dans une petite salle du Palais du Luxembourg. « C’est ridicule. Mais bon, c’est pas bien grave, ce mec-là, il doit être super occupé. Il va me recevoir poliment cinq minutes dans son bureau histoire de dire, et puis c’est tout. Il doit bien comprendre l’absurdité de tout ça. Il doit bien être intelligent, ce mec : il est sénateur quand même ! », se disait Bertram, ses arguments faisant ainsi curieusement écho à ceux de sa mère.

Mais je dis du mal des mères depuis bien des lignes, il est temps de changer de cible. Passons un peu aux sénateurs, si vous le voulez bien.

Bertram n’avait jamais rencontré de sénateur de sa vie. Il pensait donc n’avoir que peu d’a priori les concernant. Après sa rencontre avec le sénateur Durand, il se dit qu’il devait finalement avoir beaucoup d’a priori très positifs sur les sénateurs dont il n’avait pas conscience. En tout cas, ces a priori ont tous été démentis ce jour-là.

Une consommation importante et quotidienne d’alcool depuis l’adolescence peut avoir sur l’homme mûr deux effets opposés : certains maigrissent, s’assèchent et deviennent tout gris ; d’autres grossissent et deviennent rouges et bouffis. Le sénateur Durand appartenait résolument à cette deuxième catégorie. Tout petit, aussi large que haut, souriant, affable et vêtu d’un costume à la dernière mode des mariages paysans d’il y a trente ans, notre homme fit bon accueil à Bertram, lui tapant sur l’épaule et lui serrant la main avec une poigne à broyer une noix de coco : « Salut mon gars ! Eh, deux gars du pays qui se retrouvent à la capitale, ça fait plaisir, eh ? Pas vrai ? Eh ? Ah, Ah ! Allez viens, j’te fais visiter mon bureau. Viens, j’te dis ! ».

Bertram, après avoir bredouillé un vague « bonjour M. le Sénateur » fut alors entraîné par ce gros homme hilare dans un passage souterrain qui permet aux sénateurs d’aller du Palais du Luxembourg au bâtiment d’en face qui abrite leurs bureaux sans avoir à traverser la rue de Vaugirard en surface avec le commun des mortels.

Le bâtiment dans lequel évoluait maintenant Bertram à la remorque du sénateur, bien qu’extérieurement du plus pur style haussmannien, avait été luxueusement redécoré à l’intérieur dans un style giscardo-pompidolien tout de ces beiges et marrons si prisés à l’époque. Ils arrivèrent bientôt tous deux dans un long couloir beige avec de nombreuses portes marron toutes identiques. Le sénateur Durand pointant un index comme une saucisse devant l’une d’elles dit d’un air complice « Tiens, là, c’est le bureau de Martine Aubry. Rudement sympa, c’te bonne femme. » Bertram en était encore à se dire qu’il lui semblait bien que Martine Aubry n’était, ni n’avait jamais été, membre du Sénat quand ils arrivèrent devant la porte marron du bureau du sénateur.

« Pfouuuu, bon, ben écoute, moi, je quitte mes chaussures. Ça te dérange pas ? Non parce que j’en peux plus, là, avec les débats, les commissions et tout ça. Mets toi à l’aise, hein, écrase-toi la raie, là, qu’on cause un peu. »

Bertram s’assit du bout des fesses et profita de ce que le sénateur avait disparu sous son bureau pour retirer ses mocassins à pompons pour étudier un peu la pièce dans laquelle il se trouvait. Une pièce de petite taille avec un petit bureau. Une pièce de très petite taille, même. Peut-être 10 m2 (il est sénateur, pourtant, quand même). Il faut dire qu’elle semblait sans doute plus petite qu’elle n’était en réalité du fait de la présence en son milieu d’un lit deux places défait prenant quasiment toute la place non occupée par le bureau.

Bertram fixait encore ce lit avec perplexité quand le sénateur émergea triomphalement de sous le bureau.

« Putain, ça va mieux, dis. Ah, tu mates le pajot ? Pas mal hein ? » Et se levant brusquement, il contourna en chaussettes le bureau pour aller palper le matelas avec un murmure appréciateur. « Ah je roupille bien, ici, tu sais. Moins bien qu’au Pays, c’est sûr, avec tout ce bruit, la pollution, les voitures et tout, mais quand même. Et puis ça m’évite de payer l’hôtel ! Et il est confortable, ce pajot, hein. Tiens, tâte ! »

Une réelle inquiétude s’empara alors de Bertram. Le sénateur serait-il une sorte de closet homosexual abritant discrètement ses aventures sexuelles dans son bureau-chambre sénatorial ? Est-il en train de lui proposer la botte ? La propre mère de Bertram l’avait-t-elle entraîné dans cette aventure grotesque en connaissance de cause, se disant que ce ne serait qu’un mauvais moment à passer et que « ça pourrait aider pour sa carrière » puisque « il est sénateur quand même ! » ? Un article récent sur le scandale des ballets roses dans les années 50 lui revint à l’esprit, mais le sénateur se lassa rapidement du sujet pourtant passionnant du lit pour aborder la question qui les réunissait ce jour-là.

« Bon alors, tu cherches du boulot ? C’est bien, ça, c’est bien. Faut pas être feignant. Surtout pas. Tu sais, ces histoires de chômage, c’est des conneries de journalistes. Moi, de mon temps, y’avait pas de chômage parce qu’on était pas feignants. On voulait bosser et on trouvait du travail. Si t’es pas feignant, t’en trouveras. T’as fait des études, toi en plus, hein ? »

« Beumhhhoui monsieur le Sénateur, j’ai fait… »

« Eh ben y’a pas de soucis alors, si en plus t’as fait des études ! T’as pas à t’en faire ! Allez viens, je te paye un pot au bar du Sénat. »

Et voilà Bertram et le sénateur Durand repartis à travers les couloirs beiges et marron, repassant sous la rue de Vaugirard par le passage souterrain réservé puis déambulant parmi les salles toutes de dorures du Palais du Luxembourg, croisant divers employés et huissiers qui donnent tous avec déférence du « Bonjour monsieur le Sénateur » au compagnon de Bertram qui leur répond avec une bienveillance lasse et ostensiblement modeste de prélat.

« Et puis eh, c’est pas à la cafet’ que je t’emmène hein, c’est au bar réservé aux sénateurs ! Tu vas voir ! »

Le bar en question s’avèra être ce que Bertram ne peut décrire que comme une version idéale fantasmée et miniature d’une brasserie parisienne chic : dorures et peintures aux murs, mais belles ; chaises de style bistrot et petites tables rondes au dessus de marbre, mais agréablement éloignées les unes des autres ; bar en bois et zinc, mais propre ; serveur parisien en chemise, gilet et long tablier blanc, mais poli.

« Alors ? Tu bois quoi ? »

Bertram, ayant appris par un rapide coup d’œil à sa montre qu’il était 3 heures de l’après-midi, et malgré son intense besoin de l’effet anxiolytique de l’alcool jugea plus raisonnable de se contenter d’un café.

« Houlaaaaaaa, pfouuuu, un café ? Eh ben, vous êtes sobres vous les jeunes. C’est admirable. Bon, sérieusement, qu’est-ce que je vais me prendre, moi… ah ben tiens, un Ricard ! Ça m’a donné chaud, tout ça. Et puis eh, comme on dit, hein, un Ricard et ça repart ! Hein ? Ah ah ah ah ! »

Arrivé à ce moment là de l’affaire, Bertram, en homme altruiste à l’esprit civique, ne pensait même plus à la perte de temps que constituait pour lui cette aventure grotesque mais en était venu à éprouver un vif sentiment d’inquiétude pour la France, son pays, dont le dément qui rigolait en face de lui était un des plus hauts représentants élus.

De quoi discutèrent-ils autour de leurs boissons, Bertram n’en a gardé aucun souvenir. Il s’est finalement retrouvé ahuri sur le trottoir de la rue de Vaugirard, la main encore endolorie par la poigne du sénateur Durand et sous l’œil suspicieux du gendarme de faction quand son téléphone portable se mit à sonner.

« Alors mon chéri, ça s’est bien passé avec le sénateur ? »

« Écoute maman, je suppose que l’on peut dire ça. »

« Tu t’es mis en valeur, j’espère, hein ? C’est qu’il est sénateur. il va sûrement te trouver du travail. »

« On verra. »

« Et il t’a dit quoi ? »

« Le sénateur ? Euh, pas mal de choses, écoute. Je suis resté longtemps, il a beaucoup parlé. Il m’a payé un coup. »

« Il t’a quoi ? »

« Il m’a payé un coup. Au bar du Sénat. J’ai pris un café. »

« Il t’a payé un coup… » dit la mère de Bertram d’une voix emplie d’un respect mystique. « Eh ben dis-donc. C’est bon signe, ça. C’est très bon signe. Prendre un verre avec un sénateur. C’est très bon signe. »

« Ah, tu crois ? »

« Ah ben oui, parce que ça veut dire que… »

Mais Bertram n’écoutait plus. Il repensait au Meilleur des mondes de Huxley où les enfants n’ont pas de parents, sont le fruit d’une fécondation in vitro et d’un développement en cuve. Et à leur naissance, ils sont confiés à des services de l'état pour une éducation collective et ils ne connaissent aucun père, aucune mère, aucune famille. Inexplicablement, se dit Bertram, ce mode d’organisation sociale est dans le roman présenté de manière négative.

samedi 18 septembre 2010

Bon ben moi, j’ai vu « The Expendables »

J’ai 37 ans, et en homme cultivé, j’ai vu et j’ai aimé en mon temps des films tels que Rambo, Rocky, Piège de cristal, Predator ou encore Universal soldier ; autant dire que je suis la cible marketing (comme on dit) parfaite pour The Expendables, sorte de revival sans vergogne des films d’actions des années 80 avec de vrais bouts d'acteurs de l’époque dedans. Et de fait, ne boudant généralement pas mon plaisir, j’aurais aimé pouvoir aimer The Expendables. Mais vraiment, en conscience, malgré toute ma bonne volonté, je ne le peux pas.

Ce film a pourtant beaucoup de choses pour lui. Il a plus ou moins tous les acteurs qu’on aime plus ou moins pour des raisons plus ou moins coupables : Sylvester Stallone, Dolph Lundgren, Jet Li (bon, il y a aussi Jason Statham, acteur à la filmographie effarante de nullité). Il bénéficie de la photographie, voire de la réalisation de qualité industrielle supérieure que l’on peut attendre d’un film hollywwodien moyen de nos jours, ce qui n’est pas rien (ce que le cinéma français devrait, s’il valait quelque chose, envier au cinéma américain). Il perpétue, alors que ce n’est plus la mode depuis longtemps, la fascinante tradition du film d’action crypto-gay et ce non sans humour, ce qui est une performance (les personnages, tous tatoués et bodybuildés, vivent ensemble dans un garage où ils reviennent sans cesse tout au long du film pour se détendre après s’être débarrassés des rares personnages féminins sous les prétextes les plus fallacieux).

Mais malgré toutes ces indéniables qualités et malgré ma bonne volonté, il est impossible d’apprécier, voire même simplement de se concentrer sur un film au scénario aussi grotesque qu’incompréhensible, au point qu’à la fin du film, on est en peine de savoir même combien sont ces fameux « expendables » ou de les différencier entre eux.

Non, vraiment, je suis bien triste de ne pas pouvoir aimer The Expendables.

jeudi 16 septembre 2010

Image inattendue d’une mort douce

Vous avez une fille de 8 ans. Demain, c’est la rentrée des classes. Il est 22h. Vous accompagnez votre fille dans sa chambre car il est l’heure pour elle de se coucher. Vous constatez sans trop y prêter attention d’abord qu’elle se gratte la tête. Qu’elle se gratte la tête avec insistance. Trois secondes de blanc dans votre cerveau et le mot « poux » apparaît dans votre esprit. Vous vous précipitez pour écarter les cheveux de l’enfant à la racine en plusieurs endroits et bien sûr, son crâne grouille de bestioles. Il est 22h15, un dimanche, en Province, votre fille a des poux et c’est demain la rentrée des classes : vous êtes carbonisée.

Que fait la femme moderne dans une telle situation ? Ne pouvant simplement aller à la pharmacie acheter du produit anti-poux puisqu’il est 22h30 un dimanche en province, sa réaction comprend deux étapes.

La première étape : se tourner vers le savoir traditionnel de ses ancêtres. Que disait mémé à propos des poux ? Qu’il faut verser du vinaigre sur la tête de l’enfant et frotter, la théorie étant que l’acidité du vinaigre va tuer les poux. On l’a déjà essayé sur vous quand vous étiez petite, vous l’avez vu essayer sur les enfants des autres, vous n’êtes pas votre grand-mère, vous êtes une femme moderne, vous le savez : le vinaigre, contre les poux, c’est du flan. Ça ne marche pas, je veux dire. Les ancêtres, le savoir traditionnel, tout ça, c’est bien entendu des conneries. Vous êtes une femme moderne, il vous reste donc…

La deuxième étape : se tourner vers internet. Internet ! Google ! Wikipedia ! Tout le savoir de l’humanité à portée de main ! Les mystères de l’univers révélés, offerts à votre curiosité ! Demandez, on vous répondra. Il est 22h45, vous vous jetez sur votre ordinateur comme on agrippe une bouée de sauvetage. « Google, ô fontaine de savoir, dis-moi comment débarrasser les cheveux de ma fille des poux qui l’infestent ! »

« Écoute-moi, humaine, et fais ce que je t’ordonne par le biais de ce blog criard et mal mis en page : pour te débarrasser des poux, tu dois enduire la tête de ta fille de mayonnaise, recouvrir le tout de film plastique alimentaire, laisser reposer pendant 2 heures puis lui laver les cheveux au shampooing. J’ai dit, humaine. Va en paix. »

Non mais les conneries qu’on trouve sur internet, quand même ! De la mayonnaise ! N’importe quoi, vraiment. C’est bien aussi idiot que le vinaigre, tiens. En même temps, là, il est 23h15, et il va bien falloir faire quelque chose. Faire quelque chose, oui, mais faire n’importe quoi… De la mayonnaise ! Sur la tête ! Mais ma grand-mère mettait bien du vinaigre. C’est pas plus bête, finalement. Et puis elle ne peut pas aller à l’école comme ça. Et puis c’est surement bon pour les cheveux. Toute cette huile. C’est vrai, ça, c’est surement bon pour les cheveux. Mais d’abord, est-ce que j’en ai, de la mayonnaise. Oui, j’en ai acheté un pot familial pour les frites. Je pourrais faire ça, après tout. Et puis il faut bien faire quelque chose. Et puis il est 23h30. Bon allez.

Vous le faites. Votre fille est grotesque pendant deux heures. Et vous lui lavez les cheveux et là, miracle : les poux et les lentes morts étouffés dans la mayonnaise partent dans la baignoire avec l’eau et le shampooing. Tous.

La mayonnaise est efficace contre les poux.

C’est pas fou, ça ? Hein ? Hein ? C’est pas fou ?

En plus, mourir étouffé dans de la mayonnaise… quand j’y pense… je sais pas… je me dis que c’est comme ça que j’aimerais mourir.