mardi 16 octobre 2012

Mariage gai




«  A Dothraki wedding without at least three deaths is considered a dull affair.  »
Game of Thrones


Je l’ai déjà écrit dans ces pages, je n’aime pas les mariages. En fait, j’ai en tête, quand on aborde ce sujet, la vision d’un mariage minable idéal : un mariage où tous les défauts de tous les mariages du monde seraient réunis, un mariage où tout serait raté, tout serait vulgaire, tout serait pathétique, tout serait laid et bête, où tout le monde serait embarrassé et triste d’être là. Mais bien sûr, heureusement, cette vision ne se réalise jamais complètement. Les mariages auxquels on assiste ont toujours, contre toute attente, quelque chose qui se passe bien : soit le vin est bon, soit l’endroit est beau, soit les mariés ont l’air heureux... En un mot, le mariage minable idéal est une construction de mon imagination. Il n’existe pas dans la réalité. Voilà ce que je pensais jusqu’à samedi dernier. Mon opinion a changé, depuis.

Le mariage minable idéal a eu lieu samedi dernier et j’y étais invité.

Tout commence à la mairie d’une petite ville de la banlieue lyonnaise. Je ne suis pas dans ma famille. Je connais très peu de gens parmi les invités. Le maire ne s’est pas dérangé. L’adjointe au maire qui le remplace ne sait pas parler en public. Elle tente désespérément de donner une solennité à l’affaire, habitée qu’elle est de ce complexe qu’ont parfois les officiers d’État-civil vis-à-vis du mariage religieux.

Pourquoi s’excuser de devoir lire les articles du Code civil ?

Nous nous rendons ensuite à l’église : le mariage minable idéal ne peut naturellement pas faire l’économie de la cérémonie religieuse. L’église est laide. C’est un édifice des années 50 en béton. On dirait un bunker avec des vitraux, ou un temple vulcain dans un épisode de Star Trek. Les paroles prononcées ne font pas sens pour moi. Les mots « joie » et « amour » sont prononcés toutes les deux phrases, comme il est d’usage à l’église. Les mariés lisent des poèmes qu’ils ont trouvés sur Internet. Ils voulaient passer de la musique – une chanson de Georges Moustaki me dit-on – mais le lecteur CD du curé est tombé en panne. On a du mal à comprendre ce que dit le curé. C’est parce qu’il a la maladie de Parkinson, m’apprend un cousin.

Se marier à l’église, c’est comme faire une promenade en calèche : on aime bien parce que ça fait « comme dans l’ancien temps ».

À la sortie de l’église, je cherche des gens avec lesquels parler. J’en trouve. On papote. L’inquiétude me gagne : les rares gens sympathiques que je déniche m’apprennent tous qu’ils n’iront pas au repas. Les mariés sortent. On ne leur jette pas de riz car c’est maintenant interdit, m’apprend une cousine de la mariée. J’aimerais en savoir plus sur cette étrange réglementation. Elle a entendu ça à la télé, un jour, mais elle a oublié les détails. On jette en revanche des pétales de rose sur les marches de l’église. La même cousine m’explique que c’est interdit aussi, car on peut glisser. Mais on en jette quand même. Cela dure cinq secondes. Il faudra ensuite 20 minutes à plusieurs cousines pour nettoyer les marches de l’église de tous les pétales.

On fait des photos. La robe de la mariée est moche. Le marié a l’air d’un gitan.

Nous nous préparons ensuite à rejoindre la salle où la fête doit avoir lieu. J’apprends avec stupéfaction qu’elle est située dans le quartier des Minguettes à Vénissieux. Quand je m’étonne du choix de ce quartier tristement célèbre, un cousin m’explique que c’est parce qu’ils s’y sont pris trop tard pour louer la salle et que c’était la seule qui était encore libre. Les parents de la mariée nous expliquent avant de partir qu’il est important de se garer sur le parking réservé de la salle, et non pas dans le quartier, car il est surveillé par un maître-chien.

Je ne suis jamais allé dans une banlieue « sensible », maintenant que j’y pense.

La Salle de fêtes et des familles de Vénissieux est un édifice en béton de style Giscardo-pompidolien astucieusement conçu pour permettre d’accueillir en même temps plusieurs fêtes de manière indépendante. Il y a trois salles, mais seulement deux mariages ce jour-là. Le deuxième mariage est un mariage arabe. Il y a quelques mélanges. Certains invités de notre mariage se trompent et vont d’abord au mariage arabe. On leur y explique que c’est dans la salle d’à côté qu’ils sont sensés aller. De même, je croise quelques arabes qui se trompent et arrivent dans notre salle. Toute l’affaire, politiquement correcte, est de ne pas leur dire tout de suite, en voyant qu’ils sont arabes, qu’ils se sont trompés de salle. Il faut faire semblant de penser qu’ils pourraient bien être invités au même mariage que vous et passer par une discussion oiseuse de type « c’est bien ici le mariage ? » « euh oui » « vous êtes qui » « des cousins de Sylviane » « c’est qui Sylviane ? » « c’est la mariée » « ah mais c’est pas le mariage de Mohammed et de Rafia ?  » « non, là, c’est Sylviane et Christophe » etc.

La salle des fêtes est éclairée au néon.

Il y a une fontaine à sangria et des cacahuètes pour l’apéritif. Quelqu’un m’explique que le marié ainsi que deux cousins sont alcooliques. Il faut donc que tout le monde fasse attention à ce qu’ils ne boivent pas trop. Je décide de ne pas me préoccuper de ça. La mariée est anorexique et a l’air un peu folle. Il semblerait qu’elle n’ait pas eu d’amis à inviter à son mariage, à l’exception d’une grosse fille métisse avec une robe trop courte. Je l’avais repéré à la messe car elle était comme en transe et prononçait toutes les réponses rituelles trop fort les yeux fermés et les bras étendus vers le ciel. Elle se présente à moi comme la meilleure amie de la mariée. Elle est venue exprès de Bretagne pour le mariage. Elles se sont rencontrées il y a 15 ans dans un voyage organisé en Pologne mais elles ne se sont pas revues depuis.

Il y a des gens qui n’ont pas d’amis.

Pour le repas, il faut prendre son assiette en plastique et aller se servir au buffet. Tout est mauvais. Personne ne mange du taboulé : on ne peut pas le saisir parce que pour le servir, il n’y a qu’une petite fourchette en plastique. On ne peut pas manger de la salade de riz non plus car son poids fait plier les assiettes jetables de mauvaise qualité. Je bois le rosé tiède qui est proposé dans un gobelet en plastique. C’est le genre de vin qui fait passer directement de l’état à jeun à la gueule de bois. Je bois trop pour calmer mon angoisse d’être là. Ma belle mère que j’aime bien le remarque et me regarde d’un air déçu. J’ai honte, mais je continue.

Je n’aime pas le rosé.

La fête est animée par DJ Mario 2000. Il met sans interruption et à un volume assourdissant des musiques diverses Les mariés ont été accueillis à leur arrivée par le générique de l’émission Champs-Élysées. Les gens dansent sur Bala bala bala bele bele bele et font la chenille. Je constate un clivage entre les deux familles. Les membres de la famille du marié sont vulgaires. Ils dansent tous. Les membres de la famille de la mariée sont plus empruntés. Ils ne dansent pas et restent assis à leur table, l’air apeuré. Les parents du marié sont divorcés. Le père fait la gueule. La mère, 50 ans, cheveux courts décolorés, joue la femme émancipée et exhibe devant son ex-mari un compagnon nettement plus jeune qu’elle. Elle l’embrasse à pleine bouche et ils dansent la Lambada avec une lascivité ostentatoire.

Dans l’assemblée, aucune femme n’est belle.

Je sors fumer. La cour devant la salle n’est pas très agréable car elle donne sur un grand local poubelles. Un cousin nommé Patrick me prend une cigarette. Je discute un temps avec lui mais il ne veut plus me parler quand il apprend que je vis à Paris. Je vais faire quelques pas sur le parking. Les yeux me piquent. Je croise un autre cousin qui m’explique qu’il y a eu un tir de lacrymogènes à cause d’une bagarre dans le mariage d’à côté. Je vais aux toilettes pour m’occuper : elles sont sales et sentent très mauvais. Je suis obligé de revenir dans la salle. La musique est toujours aussi fort. Des gens ont demandé à DJ Mario 2000 de baisser un peu mais il a refusé.

J’entends Sag Warum pour la première fois depuis 25 ans.

Les gens ont l’air de s’amuser. L’horreur que j’éprouve en constatant cela me donne mauvaise conscience. Je pars chercher du vin. Je demande à la mère de la mariée où en trouver. Elle me montre où est le cubi. On l’a caché derrière la poubelle pour que le marié et les cousins alcooliques ne le trouvent pas. Elle me dit qu’ils avaient prévu des bouteilles de bon Saint Joseph, mais que ça ne vaut peut-être pas le coup de les sortir puisque le cubi est entamé. J’en conviens. Elle me demande de garder un œil sur un cousin qui a la maladie d’Alzheimer. Comme il a, en plus, des problèmes d’audition, le volume sonore de la musique lui est très pénible et il a essayé plusieurs fois de s’enfuir de la salle depuis le début de la soirée. Je peux le comprendre. Je décide de ne pas me préoccuper de lui.

Le vin est acide et fait mal au ventre.

DJ Mario 2000 donne son numéro de téléphone portable au micro à l’attention de ceux qui voudraient faire appel à lui pour leur futur mariage. Les gens ont cessé de danser. Il décide d’organiser un jeu pour relancer l’ambiance. Il fait mettre 5 hommes en ligne debout sur des chaises pliantes  : le marié et un cousin alcoolique qui vacillent debout sur leur chaise, le curé parkinsonien qui semble peu assuré également, le frère du marié qui est gros et fait plier dangereusement la chaise. DJ Mario 2000 amène alors la mariée les yeux bandés pour lui faire tâter les mollets des 5 hommes. Le jeu consiste à reconnaître ainsi son mari.

Je regarde pensivement la mariée tâter le mollet du curé.

Des arabes du quartier viennent dans la salle pour chercher la bagarre. L’un d’eux vole un morceau de pain. Les hommes se lèvent pour faire partir les intrus. Je me joins à eux. Le ton monte. Les femmes font rentrer précipitamment les enfants qui jouaient dehors dans le local poubelles. Un des cousins alcooliques se bat avec un des arabes. Ils s’enfuient en nous traitant de sales blancs qui n’ont rien à faire sur leur territoire et nous invitent à rentrer dans notre pays. DJ Mario 2000 qui s’était joint au groupe les traite de sales bougnoules et va mettre de la musique juive par provocation. Le vigile du parking, interrogé sur la question, explique que ça ne vaut pas le coup d’appeler la police. Ils ne se déplacent pas trop aux Minguettes, de toutes façons.

Ça ne se fait pas de partir avant qu’on ait servi le gâteau.

La danse des canards remet un peu d’ambiance. DJ Mario 2000 passe ensuite une chanson tirée du dernier album de Jennifer Lopez. Une cousine me confie que son mari a la sclérose en plaque. Le gâteau arrive sur la musique d’un film hollywoodien que je connais mais que je ne parviens pas à déterminer. Peut-être Titanic. Il est 23h30. Quelques minutes plus tard, après avoir fini leur part de gâteau, 75 % des invités décident qu’il est l’heure de partir. Je me joins au mouvement. Je dis au-revoir à quelques personnes. Le cousin Patrick me crie quelque chose où je crois discerner « rentrez à Paris les parigots ».

Épilogue : Rentré à Paris, je lis la presse gratuite, ce matin, dans le métro. L’événement suivant dont elle parle est, à ma connaissance, sans lien direct avec le mariage auquel j’ai assisté, mais il faudra quand même que je me renseigne.



lundi 8 octobre 2012

L'homme qui n'était pas là.


Quand j’ai fais la connaissance de mon collègue Dany, il était surtout fameux pour refuser de rencontrer certains parents d’élèves. Les raisons de ses choix – pourquoi celui-ci plutôt que tel autre ? – étaient variables et le plus généralement obscures. Dany se justifiait le plus souvent par un « ce serait long à expliquer » qui semblait régler à chaque fois la question. La renommée de Dany en matière de misanthropie sauvage était due pour l’essentiel à sa volonté d’airain qui le rendait capable de quitter l’établissement en en claquant théâtralement les portes ou de s’enfermer à double tour dans sa salle de classe pour ranger les polygones en bois de merisier, destinés à illustrer les cours les plus ardus de géométrie dans l’espace, qu’il fabriquait lui-même avec une méticulosité que seul égalait chez lui son entêtement lors de visites parents-professeurs dont il se refusait parfois à reconnaître jusqu’à la légitimité. Lorsque j’y suis arrivée voici maintenant six ans Dany était une légende dans le collège où je suis employé. Depuis, la légende a pris sa retraite. A Saint-Saturnin, l’un des plus beaux villages de France d’Auvergne… C’est dans la demeure familiale – que Dany retape comme il se doit – que j’avais été convié à aller passer la journée en compagnie du phénomène. Dès mon arrivée, j’avisai un bien curieux paillasson.

« Rassure-toi ! – me dit le maître de maison en ouvrant la porte – personne ne parle un traitre mot d’anglais dans ce bled. »
« Dans ce cas, bien sûr… »
« Alors ? Quoi de neuf au collège ? »
« Bah ! Tu sais bien. »
« Hum… Rien ! »
« C’est ça. »
« Et sinon ? »
« Oh, sinon… »
« Moui. »

La conversation allait bon train. Nous devisions modestement depuis bientôt dix minutes lorsque retentit la sonnette de la maison de Dany. Depuis l’un des deux fauteuils où nous nous étions confortablement installés avec un whisky, le maître du logis jeta un œil en direction de la porte vitrée de l’entrée. Au travers du verre dépoli, il distingua deux silhouettes qui lui furent si familières qu’il en blêmit sur le champ ! Et c’est ainsi qu’en quelques secondes à peine, Dany s’empara d’une vieille couverture aussi épaisse qu’écossaise qui trainait près de la panière du chien – un Dogue Allemand du plus bel effet – pour s’en couvrir de pied et cape. Il se recroquevilla au creux de son siège au point qu’on eut dit ce dernier seulement recouvert d’un épais tissu à carreaux du plus mauvais goût.

« Ne bouge plus ! – me murmura alors le fantôme de Dany –, elles vont s’en aller si elles ne détectent aucun signes de vie. »
« Qui sont-elles ? »
« Deux vieilles biques ! Des fâcheuses ! Ne me demandent pas pourquoi mais je ne veux en aucun cas les rencontrer ! Si jamais elles entraient ici, nous ne pourrions plus jamais nous en défaire. Jamais, tu m’entends ?! »

Je compris très vite que Dany redoutait que les deux péronnelles ne délaissassent la porte d’entrée pour faire le siège de la fenêtre du salon où nous nous trouvions, lui et moi, engoncés. Si mon fauteuil était diamétralement opposé à la dite fenêtre et lui tournait ostensiblement le dos, celui de Dany lui faisait face. C’était là la raison de son camouflage de fortune. Presqu’une heure se passa ainsi. De péroraisons plus ou moins sibyllines en ragots divers, de regards furtifs par les fenêtres de la façade de la maison de Dany en nez plus ou moins aplatis aux différents carreaux qui les composaient, les deux harpies s’obstinaient à envisager chaque instant passé à jaser devant sa porte comme les rapprochant inexorablement du retour d’un Dany dont elles étaient décidées à prendre des nouvelles comme d’autres cherchent à obtenir des aveux. A cet aussi puissant qu’inquiétant désir de courtoisie, l’objet de toute cette patience opposait, silencieux et immobile, une fin de non recevoir aussi implicite qu’obstinée. Je ne pouvais dès lors que reconnaître le Dany de la légende qui renaissait de ses cendres, tout à la fois sous mes yeux éberlués et une couverture grotesque. Non, il n’irait pas ouvrir car oui, il avait décidé de s’en tenir au jugement que l’instinct de survie lui avait visiblement inspiré ce tantôt. C’est à peine s’il laissait filtrer quelques mots de temps à autres pour déplorer d’avoir fait les vitres la veille ou pour réprimander les fous-rires qui ne manquaient pas de me saisir à intervalles réguliers. Lorsque mes muscles de plus en plus ankylosés se raidirent à force d’immobilité, je fini par ne plus rire et par faire part à mon hôte de quelques protestations bien senties... qui demeurèrent, comme de juste, lettres mortes. Seize heures sonnèrent au clocher lorsqu’éclata un orage qui finit par convaincre les deux ribaudes de mettre fin à leur halte pour s’en aller poursuivre autre part, plus au sec sans doute, leur nuisible périple.

« L’enfermement c’est les autres ! » –  me dit alors un Dany de nouveau jouasse.
« Tu ne voulais vraiment pas leur parler à ces deux là ! » – lui répondis-je en gesticulant mollement pour permettre à nouveau l’afflux sanguin jusqu’aux bouts de mes membres gourds.
« Ce serait long à expliquer… »
« Je vois… »
« Eh puis on n’a guère le temps de se perdre en éclaircissements ! Mets ton manteau, il ne faut pas tarder ! »
« Comment ? Maintenant ? Sous la pluie battante ? Mais où doit-on aller si vite ? »
« C’est un petit pays ici ! C’est un très petit pays ! Les gens se connaissent tous. Ils parlent ! Les deux folles vont vite se rendre compte que je ne suis pas sorti de chez moi…Il faut que je me fasse voir, tu comprends ? Qu’on sache que j’étais effectivement sorti… »
« Oui… Non ! Si nous tombons sur elles au coin d’une rue ! Tous nos efforts de dissimulation auront été réduits à néant ! »
« C’est un risque qu’il faut courir ! Crois-moi, ce sont ces petits moments où l’adrénaline court dans nos veines qui rendent la vie passionnante ! Tiens, passe-moi le parapluie, là ! »

Dehors, il faisait gros temps. Nous errâmes Dany et moi, par les ruelles dégoulinantes et les chemins boueux sans croiser âme qui vive toute une heure durant. Trempés comme peu de soupe, nous finîmes par rencontrer un très vieux couple que Dany connaissait « de vue », « des emmerdeurs notoires » me glissa-t-il à l’oreille. Ils nous demandèrent si nous n’avions pas vu le cousin Georges qu’il s’était mis en tête de visiter mais qui, contre toute attente, n’était pas chez lui en ce pluvieux après-midi d’automne.

« Oui, Georges ! Bien sûr que nous l’avons vu ! Ce bon vieux Georges ! Il traversait le bourg d’un bon pas, il y a de ça à peu près une heure » – répondit Dany à ma grande surprise.

Nous nous éloignâmes en silence alors que la pluie cessait enfin. Je ne demandai aucune explication à Dany concernant son mensonge. Sur le chemin du retour, nous aperçûmes au loin le dénommé Georges, tout aussi mouillé que nous l’étions, qui nous fît un signe rapide trahissant par sa gestuelle saccadée une indéniable nervosité. Un bref échange de regard se produisit entre Dany et lui qui exprima mieux qu’un long discours toute l’estime mutuelle que nourrissait l’un pour l’autre ces deux fiers gaillards pour qui la tranquillité comptait plus que tout autre chose. Dany lui fit un long signe de la main comme pour chercher à apaiser cet homme dont on sentait bien qu’il était aux aboies. Puis chacun passa son chemin et c’est à pas lents que nous retournèrent chez Dany qui nous prépara un grog bien tassé. Nous reprîmes la conversation.

« Hum… Dis-moi Dany, j’aimerais comprendre : quelle différence fais-tu exactement entre l’époque où tu travaillais et ta retraite actuelle ? »
« Oh… Eh bien à la retraite, on a le temps, on peut faire ce qu’on veut. On est bien plus tranquille, non ? »
« … »