lundi 18 janvier 2010

Qu'on nous donne des fous

L’autre jour, maladroitement, j’ai fumé trop vite un trop gros cigare (un Partagas n°2) et je me suis retrouvé malade comme un chien. Quelques heures plus tard, à peu près remis de ma nausée et confronté au devoir, plus qu’au désir, de manger vaguement quelque chose, je me suis tourné vers ce que je considère comme de la nourriture de convalescent souffreteux : les sushis.

Une fois dans le restaurant japonais attablé devant mes morceaux de poisson mort, je me suis aperçu qu’il y avait à l’autre bout de la salle un homme qui racontait sa vie dans son téléphone portable suffisamment fort pour que je puisse tout entendre depuis ma place. Mon agacement commençait à monter, mais il est tombé d’un coup quand je me suis aperçu que cet homme n’avait pas, en réalité, de téléphone portable. Qu’il parlait tout seul, quoi. Il est donc passé immédiatement dans mon esprit de la catégorie d’emmerdeur à celle de timbré, et, à ce titre, a éveillé mon intérêt. Je me suis donc mis à écouter ce qu’il racontait. Pour tout dire, j’ai fini par sortir mon ordinateur portable pour noter en partie ce qu’il disait parce que son délire fait à la fois de complexe d’infériorité et de mégalomanie était assez fascinant. Je vous le livre donc, sans les redites, toutefois, car il se répétait beaucoup :

« Je ne suis pas un gigolo, moi. Je ne suis pas un profiteur. J’en voulais pas de son argent, moi. Ce que je voulais, c’était de l’amour. Il n’y a que l’amour qui m’intéresse, moi. L’argent, je m’en fous. C’est elle qui est venu me chercher pour me le donner, son argent. Parce qu’elle était riche, elle. Très riche. Le dessus du panier, quoi. Moi je n’ai pas un sou, et elle est venue me chercher pour me le donner son argent. Mais je n’en voulais pas. J’ai rien demandé. Tout ce que je voulais, c’était de l’amour. Et c’est pour ça qu’elle m’a largué. Moi je m’en fous, de l’argent. Je n’aimerais pas avoir de l’argent. On est bien mieux, quand on est pauvre, c’est connu. Enfin si, j’aimerais en avoir, de l’argent. En avoir plein, pour le donner aux gens. C’est ça, si j’avais plein d’argent, je le donnerais à tout le monde. Pas comme elle. Et puis j’ai été con, avec elle, quand j’y pense. Dire que je lui ai apporté des fleurs. Je suis con quand même… des fleurs. J’aurais du lui apporter des pinces à linge. C’est ça. Des pinces à linge. Tout le monde aime les pinces à linge : c’est de mauvais goût, les pinces à linge. Les gens aiment ce qui est de mauvais goût. C’était une femme très très riche. Si elle m’avait donné de l’amour, je serais encore avec elle. Là. Maintenant. Je serais avec elle. Mais non. Elle, tout ce qui l’intéressait, c’était de faire la lessive. Je veux me marier avec une pauvre, moi. Les pauvres, c’est mieux. Nous, les prolos, on a pas de vice. Enfin si, on est cochons, on aime le sexe, quoi. Mais les riches, le dessus du panier, ils sont cochons, mais en plus, ils sont vicieux. Ça y va, dans les châteaux, la sodomie, je peux te le dire. Moi, c’est l’amour, que je voulais. L’histoire retiendra que c’est pour ça qu’elle m’a quitté. C’est ça que l’histoire retiendra. C’est comme pour le 11 septembre : c’est ça qui aura frappé l’esprit des gens et c’est ça qu’on retiendra de cette époque, je le sais. Elle m’a mis 13 mois en prison, pour rien. Tu le crois, ça ? Et après elle dit que je suis un traitre ? Ah, Ah… Mais je ne lui en veux pas. Elle est mariée, maintenant. Je n’en veux pas à son mari, non plus. Mais je n’irai pas vers elle, maintenant. Si elle veut me voir, elle n’a qu’à venir. Elle sait où me trouver. J’ai pas besoin de son argent etc. etc. »

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