C’était
pendant l’horreur d’une profonde journée de travail. Une enseignante en
espagnol et une principale de collège devisaient âprement à propos d’un incident survenu
ce tantôt.
« Ta
puta Madre ! Si vous me permettez l’expression. »
« Ta
puta… ? »
« Madre. »
« Quand
même. »
« N’est-ce
pas. Et alors même qu’elle était au courant pour la mère de l’élève… »
« Oui.
Bon. Il doit y avoir une explication, non ? »
« Oui.
Cette femme est folle. »
« Cette
élève a bien dû lui dire quelque chose de… Enfin, on ne réagit pas comme ça
impunément ? »
« Cette
élève vient de perdre sa mère. Cette élève est un peu perturbée en ce
moment. »
« Cette
élève, si j’en juge par le document que j’ai sous les yeux, ne manifeste qu’un
goût assez fébrile pour le travail scolaire, non ? »
« Certes.
Mais la question n’est pas là ! »
« Tout
de même. Les élèves sont ici pour travailler. »
« Les
élèves ne sont pas ici pour se faire insulter. »
« C’est
pourtant à cela qu’ils passent l’essentiel de leur temps par la plupart de leur congénères ! J’ose espérer que je
ne vous apprends rien ! »
« Rien,
en effet. Mais – je me permets d’insister vertement – la question n’est pas là ! »
« La
question, chère Madame, n’est tout de même pas de savoir si la mère de cette
jeune fille pratiquait de son vivant des rapports sexuels tarifés ! »
« Ecoutez,
jamais une assistante de langue – jamais personne à vrai dire – ne m’a parlé
comme cette… femme. »
« C'est-à-dire ? »
« Elle
me laisse chaque soir un message téléphonique. »
« Et
peut-on en connaître la teneur exacte ? »
« Elle
me menace. Elle m’a menacée de crever les pneus de ma voiture si je venais vous
parler. »
« Qu’est-ce
que vous avez comme voiture ? »
« Pardon ? »
« Quelle
marque ? »
« Je
n’ai pas de voiture. La question n’est pas là ! »
« Je
vous assure qu’en fonction du modèle le prix des pneus n’est pas le même ! »
« Mais
la question n’est… »
« Pas
là ! Oui je sais. Où est-elle alors ? »
« … »
« Autre
chose ? »
« Oui.
Ca ! »
« C’est
un magasine. »
« Elle
y est abonnée. Il en traîne en classe, partout ! Un élève de sixième le
feuilletait l’autre jour quand je suis entrée ! »
« Vous
pensez que cela donne une surcharge de travail trop importante au personnel de
service ? Voilà qui est tout à fait louable de votre part. J’en prends
bonne note, croyez-moi. Nous sommes tous embarqués dans le même bateau et nous
devons donc nous serrer les coudes. J’en ai bien conscience. »
« Bien.
Ecoutez, avec votre permission je vais mettre fin à cette conversation qui,
vous en conviendrez je l’espère, ne nous mène nulle part. »
« Je
vous sens agacée. Je me trompe ? »
« Ce
n’est définitivement pas la question et… »
« Détrompez-vous !
Le bien-être de mes enseignants est au centre de mon projet pour l’établissement !
J’ai enseigné moi-aussi. Je sais bien que ça n’est pas tous les jours une
partie de plaisir. »
« … »
« Dite !
Je peux vous avoir l’adresse d’un garagiste qui vous fera un prix si vous lui
dites que vous venez de ma part. C’est un cousin de mon mari. Un gars comme ça ! »
Ce
n’est qu’un bon moment après leur départ que je me suis aperçu que le magasine
traînait à côté de moi. Je l’ai feuilleté. Mais hélas je ne parle pas espagnol.
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