vendredi 8 juin 2012

Boute-en-train.


La scène prend lieu et place dans l’exotique arrière-cour d’un établissement scolaire où nous officions tous les deux. Lui et moi.


Lui (je ne commence jamais une conversation au travail) : « Il est chouette ton T-shirt ! »
Moi : « Merci ! Je l’ai acheté sur un site épatant qui s’appelle « Last exit to nowhere » et que je recommande vraiment. Bonne qualité. Bon boulot ! Le principe c'est que... »
Lui : « T’as vu le mien !? Pas mal, hein ? »
Moi : « C’est… autre chose. »
Lui : « C’est exactement ça ! Là-bas c’est tellement différent. Là-bas… c’est autre chose. »
Moi : « Oui. J’imagine. »
Lui : « Tu ne peux pas. C’est autre chose. »
Moi : « Je… te crois volontiers. »
Lui : « Là-bas c’est les sommets. La neige toute l’année. D’une poésie… »
Moi : « Je ne suis pas très « neige », moi. Mon truc, c’est plus… »
Lui : « Mais le plus merveilleux sommets entre tous, c’est le pic de plénitude ! »
Moi : « Tu l’a gravit ? »
Lui : « On ne peut l’atteindre qu’entre 60 et 70 ans ! Là-bas, c’est une métaphore ! »
Moi : « Oh, je vois… »
Lui : « Non. Tu ne vois rien. Rien du tout. Comment le pourrais-tu ? C’est tellement « autre chose. »
Moi : « Hum… Et donc… c’est comment là-bas ? »
Lui : « Là-bas ?! Mais là-bas, il y a les femmes et les hommes. Et les enfants aussi bien sûr. Rien à voir avec ceux qu’on fréquente ici à longueur de temps, ça tu peux me croire ! Les enfants là-bas c’est… »
Moi : « …Autre chose ? »
Lui : « Exactement ! C’est un pays qui a introduit – il y a quoi ? Vingt ans, pas plus ! – une notion incroyable dans le quotidien politique des gens de là-bas : le « bonheur national brut » ! Tu te rends compte ? »
Moi : « Eh bien… »
Lui : « Non, évidemment tu ne te rends pas compte. On ne se rend pas compte ici. »
Moi : « C’est sûr que… »
Lui : « Tu étais à Sète l’année dernière ? »
Moi : « Heu… »
Lui : « Non, évidemment que non ! Moi, figures-toi que j’y étais ! »
Moi : « Ah… En vacances ? »
Lui : « En vacances ?! Pas du tout : je suis allé assister aux « premières assises du bonheur », évidemment ! Le premier ministre de là-bas y a fait une fascinante conférence sur la manière dont ils ont remplacé le PIB par le BNB ! Fascinante la conf’ ! »
Moi : « Ca a l’air de t’avoir pas mal marqué, en effet. T’as l’air marqué, là. »
Lui : « C’est sûr qu’après on est plus le même. Je ne suis plus le même. Et ça ne m'a rien couté ! C'est pas comme ces conneries de développement personnel ou de psychanalyse. Après, sur place c’est sûr que c'est un peu chère quand même. Faut compter 200 euro pour une nuit dans un hôtel convenable. Tu peux trouver pour un peu moins cher mais t’as pas le petit déjeuner avec tous les trucs traditionnels de là-bas qu’il ne faut surtout pas rater parce que sinon c’est pas la peine et c’est vrai que du coup la nourriture est pas donnée, donnée… Faut connaître un peu. Y’a des épiceries – enfin des épiceries de là-bas, des sortes d’épiceries – déjà quand tu entre c’est toute l’atmosphère de là-bas qui… qui… Enfin tu vois. »
Moi : « Je ne sais pas… »
Lui : « Mais normal ! Normal. Si tu avais vu la plaine des Duars, je te garantis que tu saurais ! Des forêts tropicales ! Une savane à tomber ! C’est tout ça les Duars. Eh puis bon, on ne peut pas se le cacher bien longtemps, y’a l’Himalaya ! Le moyen et le grand ! »
Moi : « Ah ouais, les deux ! »
Lui : « C’est comme ça là-bas. Y’a tout. Tout ! Je ne sais pas comment tu t’imagines l’Himalaya, toi ? »
Moi : « Plutôt haut… Avec de la neige un peu partout… »
Lui : « Ouais, un tissu de conneries, quoi. C’est des pâturages, mon gars, des pâturages ! Avec des yacks dedans ! Qui broutent du matin au soir ! Comme des furieux ! Enfin, en été. Sinon c’est sûr qu’en hiver… Et les gens ! Mais les gens ! Bon, vaut mieux parler un peu Dzongkha sinon c’est même pas la peine… »
Moi : « Et toi bien sûr… Depuis le temps… Tu… »
Lui : « Quelques mots. Je me débrouille, quoi. C’est sûr que c’est pas une langue facile, facile… »
Moi : « C'est sûr. Dis-moi, tu as beaucoup appris à ce que je vois. Ca a dû être des vacances incroyables pour toi. »
Lui : « Ben ça je te le dirai en septembre : j’y vais pour la première fois le mois prochain. »
« … » 



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