lundi 22 mars 2010

Lecture : « Le Retour du Général » de Benoît Duteurtre

C’est difficile, finalement, de dire du mal d’un livre. Parce que si je disais que j’ai adoré Le Retour du Général de Benoît Duteurtre, je pourrais m’en tenir à cette affirmation : « j’aime bien » et personne ne pourrait rien me dire. Ça serait mon droit d’aimer ce roman. Et puis, si l’envie me prenait de dire pourquoi je l’avais aimé, les raisons pour lesquelles je l’aurais aimé me seraient évidentes et je pourrais les exposer simplement.

Mais il se trouve que j’ai détesté Le Retour du Général de Benoît Duteurtre. Or quand on dit qu’on a détesté un roman, il s’agit quand même d’argumenter un petit peu. Il s’agit même de formuler des arguments, clairs, objectifs, dépourvus d’agressivité et d’attaques ad hominem, des arguments, en somme, que l’on pourrait à la limite exposer à l’auteur du roman lui-même si on l’avait sous la main.

Pourquoi donc ai-je détesté ce roman ?

Benoît Duteurtre est connu des gens qui lisent des romans contemporains pour sa production régulière de romans que l’on qualifie de balzaciens pour leur style classique, leur narration simple, leurs personnages bien dessinés et la volonté de l’auteur de se livrer à une peinture critique de la société dans laquelle il vit. Ces romans, à mon sens, sont tous très mauvais. Voyons pourquoi.

Ses romans ne sont pas mauvais parce qu’il se veulent un retour au roman classique balzacien. C’est un projet littéraire aussi noble qu’un autre

Ses romans ne sont pas mauvais parce que Benoît Duteurtre écrit comme un pied. Nombre d’auteurs qui écrivent comme des pieds produisent néanmoins des textes ayant une valeur littéraire certaine. Seul le nom de Phillip K. Dick me vient à l’esprit pour illustrer ce cas, mais il y en a d’autres.

Ses romans ne sont pas mauvais parce que Benoît Duteurtre est un vieux con pour qui la critique sociale se borne à dire à tout propos « c’était mieux avant ». Ça peut être une posture amusante. Qui a lu Léon Bloy sait que l’ont peut produire des romans aussi drôles que fascinant sur ce seul thème. De plus, certaines choses étaient, effectivement, mieux avant, donc la critique peut même parfois tomber juste.

Ses romans ne sont pas mauvais parce qu’ils ne sont qu’une critique de petits détails vulgaires de la vie quotidienne à notre époque, de l’interdiction de fumer dans les lieux publics aux situations grotesques auxquelles sont confrontés ceux qui téléphonent aux services clientèle de leur opérateur de téléphone portable. L’inanité ce ces pauvres critiques condamne bien sûr ses romans à être ringards dans 5 ans et incompréhensibles dans 10, mais bon, ça pourrait être une lecture amusante.

Ses romans ne sont pas mauvais parce que l’histoire est nulle. Pour information, celle du Retour du Général est ainsi résumée sur la quatrième de couverture : « Le général de Gaulle est de retour. Après un appel à la résistance, prononcé lors d'un piratage télévisuel, il se lance dans une ultime bataille pour la « grandeur de la France ». Toujours vaillant sous son képi à deux étoiles, ce revenant passionne l'opinion publique. A-t-il vécu jusqu'à cent vingt ans ? S'est-il fait hiberner comme le héros de Louis de Funès ? S'agit-il d'un imposteur ? Dans cette fantaisie romanesque, Benoît Duteurtre revisite la mythologie française et sa dernière figure légendaire confrontés [sic] aux urgences de la mondialisation. Réflexions et observations sur l'époque alternent avec le portrait de ce Général un peu foutraque qui reprend le pouvoir, parle comme un révolutionnaire et ranime jusqu'à l'absurde les idéaux de la vieille Europe. » Bien sûr, c’est nul, mais on peut faire un bon roman avec n’importe quelle histoire : Au cœur des ténèbres, finalement, c’est un type qui remonte une rivière en bateau.

Ses romans ne sont pas mauvais pour toutes ces raisons (qui commencent quand même un petit peu à s’accumuler, là). Je réfléchis depuis un petit moment pour essayer de savoir pour quelle raison spécifique ces romans sont mauvais et je crois que je viens de trouver. Je prends un exemple : dans Le Retour du Général, le narrateur souhaite à un moment téléphoner aux renseignements. On nous explique donc que, au temps où les renseignements téléphoniques, c’était le 12, tout était plus simple. Maintenant, avec ces numéros de renseignements innombrables, impossibles à retenir, coûtant des sommes mystérieuses mais importantes lorsqu’on les appelle et nous infligeant des publicités d’une effarante vulgarité, la situation est grotesque. C’était mieux avant, là. C’est indéniable. Est-ce le rôle d’un roman de nous alerter sur ce point ? Certainement pas. Car enfin, si l’on s’élève à un niveau important de généralisation, le roman, comme toute forme d’art, est le lieu du déploiement de la vérité, comme disait Hegel. C’est-à-dire que la fréquentation des œuvres d’art peut, éventuellement, nous éveiller à la vérité. Et donc, pour redescendre au niveau de vulgarité des romans de Duteurtre, cet éveil à la vérité peut, éventuellement, nous permettre de nous apercevoir que, dans la vie, cette histoire de renseignements téléphoniques a abouti à une situation grotesque. C’est l’art qui nous permet d’appréhender intelligemment le réel ; ce n’est pas une accumulation hétéroclite de faits réels significatifs qui produit une œuvre d’art.

Donc les romans de Benoît Duteurte sont mauvais. Quod erat demonstrandum.


1 commentaire:

  1. Bonjour,

    Oui alors finalement est-ce que ce monsieur Duteurtre (?) ne ferait pas mieux de choisir une forme d'expression plus en adéquation avec la portée de son projet artistique ? Ne pourrait-il pas tenir un blog au lieu de participer à la déforestation de la planète pour des raisons qui n'honnore visiblement dans son cas personne...

    Un ami qui tient un blog car ils aiment les arbres (d'un amour sans retour).

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