mercredi 3 février 2010

Lecture : "Je m'en vais" de Jean Echenoz

Tout est affaire de point de vue. Si l’on se dit que les prix littéraires, ce sont des gens connaissant la littérature qui se réunissent pour choisir quel est, à leur yeux, le livre le plus intéressant paru lors de l’année écoulée, alors évidemment, on ne peut être que consterné par le palmarès de tous les Goncourt, Médicis et autres guignolades qui récompensent à longueur de temps des gens qui écrivent comme des pieds.

Si l’on se dit au contraire que les prix littéraires, c’est un panier de crabes où des gens du milieu éditorial, n’y connaissant pas forcément grand chose en littérature mais qui par contre se connaissent entre eux, participent à des négociations sans fin entre collègues, journalistes et éditeurs, de déjeuners en cocktails, pour se mettre d’accord pour savoir à qui on le donne cette année pour que l’an prochain on se renvoie l’ascenseur et à qui on ne le donne pas parce que ce connard m’a fait un mauvais article une fois etc. alors on ne peut être qu’agréablement surpris par le palmarès de tous les Goncourt, Médicis et autres guignolades qui récompensent miraculeusement de temps en temps des gens qui écrivent à peu près bien.

Et donc, j’ai lu Je m’en vais, roman pour lequel Jean Echenoz a obtenu le Prix Goncourt en 1999. C’est un roman qui me laisse une impression mitigée. Le style est souvent assez agaçant. Il a notamment cette manie d’ancrer l’écriture dans le réel en évoquant sans arrêt des éléments triviaux, noms de rues, de stations de métro, marques de cigarettes, de voitures, de vêtements, voire en nous infligeant des incongruités du genre : « C’était maintenant un brise-glace long de cent mètres et large de vingt : huit moteurs de locomotive couplés développant 13600 chevaux, vitesse maximum 16,20 nœuds, tirant d’eau 16,7 mètres ». On apprend en effet, dans un entretien avec l’auteur qui suit le roman dans mon édition, que Jean Echenoz se documente beaucoup avant de commencer l’écriture de ses romans. Eh bien ça se sent, il faut bien le dire. Ça sent un peu la sueur de l’auteur qui a pris plein de notes et qui a envie que ça serve un peu quand même. Certes, l’humour avec lequel tout cela est fait ne m’échappe pas, mais tout de même.

L’humour est d’ailleurs un élément important dans Je m’en vais. Un humour discret, froid, assez efficace. Mais aussi un humour assez précieux : « Par bonheur et par paliers, l’infirmière finit par se détendre ». Les zeugmas, ça fait rire les professeurs de français. C’est bien prout-prout, tout ça.

Mais cela dit, le roman est assez bon, assez bien écrit, assez bien construit. Très divertissant, très amusant quand même et avec des coups de théâtre surprenants… C’est pas mal, quoi, pour un Prix Goncourt.



Note privée : Nous apprenons encore dans l’entretien qui suit le roman une chose qui amusera notre ami et co-bloggeur Hrundi V. Bakshi : que Jean Echenoz a écrit un autre de ses romans, Les Grandes Blondes, avec, comme seul point de départ, ce titre qu’il trouvait amusant.

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