jeudi 4 février 2010

Haut et court(s)

Chaque année, à Clermont-Ferrand, se déroule le Festival du Court-Métrage. Sans que je puisse rien y faire. C’est une manifestation d’ampleur internationale qui draine quelques milliers de gens dans les rues de la capitale auvergnate. Et on n’ y peut vraiment rien. C’est ainsi. C’est comme ça. C’est la vie. C’est le Festival du Court-Métrage de Clermont-Ferrand.

Au début, je veux dire en ce qui me concerne car le festival existait bien avant que je m’y intéresse, il y a d’ici quelques années, je « faisais » – comme on dit – sérieusement le Festival du Court-Métrage de Clermont-Ferrand. C’est à dire que je voyais entre 180 et 250 films dans la semaine. Il y avait les films certes, mais également une ambiance festive, de la bière comme s’il en pleuvait et des saucisses cuites dans la graisse d’oie avec plein d’oignons. J’étais alors un autre homme. Oui, c’est cela : j’étais visiblement quelqu’un d’autre. Peut-être comme… possédé ? Toujours est-il qu’un jour – je ne sais pas, peut-être ai-je dit ou fait quelque chose qui l’aura vexé ? – toujours est-il que le démon a décidé de quitter mon corps. Revenu à moi comme au monde je me suis aperçu de plusieurs choses : 1/ qu’une ambiance festive dans les rues d’une ville morte c’est plus qu’appréciable ; 2/ que j’aimais toujours beaucoup la bière ; 3/ que si je devais n’emporter qu’une seule chose sur une île déserte ce serait bien évidemment une saucisse cuite dans la graisse d’oie avec plein d’oignons et enfin 4/ que les films du Festival du Court-Métrage de Clermont-Ferrand sont la plupart du temps indigents. Revoyant défiler devant mes yeux ma courte vie de festivalier à l’agonie, je me suis rendu compte que, en tout et pour tout, j’avais découvert une petite dizaine de films épatants et deux ou trois merveilles lors de mes années d’addiction les plus intenses. Et encore, l’honnêteté m’oblige à avouer que je gonfle, que je bidonne, que je truque à qui mieux mieux ces derniers chiffres et cela dans le veule espoir de ne pas passer pour un odieux grincheux réactionnaire qu’effarouche le cinéma enfin démocratique puisque pouvant être pratiqué à partir du premier téléphone portable venu et ce jusque sous sa douche ou sur ses toilettes.

Bien sûr chaque année je me jure de ne pas y remettre les pieds. Au Festival du Court-Métrage de Clermont-Ferrand. Ou alors pas plus loin que le stand à bière comme s’il en pleuvait et à saucisses cuites dans la graisse d’oie avec plein d’oignons le plus proche de chez moi. Et bien sûr chaque année je me fais avoir. Car il y en a toujours de ces gens pour me proposer « d’y aller ensemble ». Au Festival du Court-Métrage de Clermont-Ferrand. De ces gens on n’en manque jamais. Et souvent ce sont de mes amis. Et toujours ils aiment eux aussi la bière comme s’il en pleuvait et les saucisses cuisinées comme l’on sait. Alors je dis oui, parce c’est ainsi, parce que c’est comme ça, parce que c’est la vie et qu’à la vie on ne dit pas non. Mais quand même, cette histoire de Festival du Court-Métrage de Clermont-Ferrand j’y vais à reculons, comme à une pendaison. Celle du cinéma très souvent. La mienne à cou sûr.

Et j’y suis allé cette année encore au Festival du Court-Métrage de Clermont-Ferrand. Voir des sélections « Zombies ». Pour faire plaisir à des collègues qui ne sont même pas venus, et qui ont, ce faisant, ostensiblement dit non à la vie, les bienheureux. Parce qu’il était agréable d’y rencontrer fortuitement des amis devant des stands fort bien achalandés en bière et en saucisses. Parce c’est ainsi, parce que c’est comme ça, parce que c’est la vie et qu’à la vie etc. J’y suis allé parce que cette chienne de vie ne mégote jamais en période festivalière et prend mille visages pour se rire de vous et vous convaincre que le Festival du Court-Métrage de Clermont-Ferrand « is the place to be ».

Notons que par pure charité chrétienne je passe rapidement ici sur l’inanité invraisemblable des sept films qui m’ont été infligés lors d’une première projection flageolante – « Zombies 1 » –, ainsi que sur la formidable platitude d’une seconde bordée tout aussi fébrile que la première et composée cette fois de huit amusettes dénuées du moindre intérêt – « Zombies 2 ». C’est à peine si je consentirais à faire une exception pour un sympathique film de zombies bavarois – « Plein emploi » – ayant pour principal mérite d’envisager dans toute sa complexité économique et sociale le dur métier de « tueur de zombies » (je sais : à priori ça à l’air bien mais en fait pas tant que ça, croyez-moi…).

Plus tard dans la soirée, sous une pluie de bière et dans une flaque de graisse d’oie où flottaient avec indolence quelques saucisses, songeant aux films, à l’indigence et aux liens étroits qui unissent ici les premiers avec la seconde, je compatissais en pensée à la tâche laborieuse du Jury, cette rude et âpre tâche de la remise des prix. Comment faire ? A qui le prix ? Et pourquoi ? La réponse m’est venue d’une image illustrant un prospectus qui traînait à mes pieds dans la bière et la graisse, un prospectus du Festival du Court-Métrage de Clermont-Ferrand : le Jury, serein et bonhomme, à l’instar de nombre de festivaliers, a choisi de s’en remettre visiblement au hasard ou à la grâce de Dieu dans la plus parfaite des démocraties artistiques : il tire au sort…

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