mardi 23 février 2010

Certains disent par la glace. D’autres par le feu.

C’est sûr. Pour ce que je m’y connais, moi, en réchauffement climatique. Mais tout de même, il y a d’ici quelques jours j’ai vu à la suite Le Jour d’après et 2012 de Roland Emmerich. Et bien ça donne matière à réfléchir. C’est vrai, 2012 ce n’est pas si loin, c’est demain ou le jour d’après… Mais 2012 c’est avant tout un concentré de ce que les laboratoires Emmerich savent le mieux faire : 2012 c’est une goutte de merde pure dans la grande fosse septique du cinéma. C’est amusant de surcroît de voir cette affaire de climat tomber pour l’essentiel entre les mains de mastodontes réactionnaires tels que notre ami Roland… « Chanson ! » me suis-je tout naturellement surpris à penser. Et à l’instar de la grande fosse du cinéma j’étais moi aussi bien septique. Dans les chansons de Roland, un coup on gèle, un coup on crame. L’écologie y est présentée comme l’escalier vermoulu et savonné avec largesse qui relie Charybde et Scylla. L’écologie y est un énième prétexte à vendre de la peur par l’entêtante médiation du purin et de son indéniable photogénie. Car le réchauffement climatique, finalement, quand on y pense bien – c'est-à-dire mal – ça n’est jamais qu’une apocalypse. Et une apocalypse est bien plus drôle quand elle est annoncée comme il se doit.

On sait qu’au siècle du roi Soleil, ce dernier – le soleil pas le roi – a manqué d’un peu de sa traditionnelle vigueur, déclenchant au passage ce que l’on nomme depuis une « mini ère glacière ». Ne serait-ce qu’au 20ème siècle, les journaux des années 10 ont fait leurs choux gras d’un fulgurant abaissement de la température, de ceux qui font dire à qui mieux mieux : « on a pas vu ça depuis 50 ans ! » Puis, las de prêcher la pétrification de leurs contemporains, les mêmes journalistes – du moins ceux qui n’étaient pas morts gelés 20 ans plus tôt – ont profité, le jour d’après, dans les années 40, d’une intense vague de chaleur pour alarmer les foules occidentales en agitant le spectre caniculaire d’un enfer comme Dante lui-même n’aurait pu le concevoir ! Dans les années 80, je me souviens pour ma part de la menace qu’une bonne calotte glacière faisait peser sur nos joues empourprées par l’indicible crainte d’un nouveau tsunami de froid comme on n’en avait pas connu depuis les années… 10 ! L’Occident était tétanisé à l’idée de devoir faire une croix sur la nouvelle collection printemps-été…

L’époque étant plus que jamais propice à la confusion entre information et terreur, il est probablement possible de rester dubitatif face au « syndrome du Titanic » tel qu’annoncé par le Monsieur Hulot du 21ème siècle (moins drôle reconnaissons-le que celui du 20ème). Sans être spécialiste du fait météorologique, plusieurs points doivent être considérés, me semble-t-il, avant que de ne céder aux joies millénaristes que sont, entre autres, la vie au grand air au fond d’une yourte, les toilettes sèches au fond du jardin ou le suicide collectif en toges bigarrées.

L’échelle du « temps profond » de Braudel, par exemple, qui nous invite à considérer l’apparition de phénomènes sur 1000 ans et plus, est peut-être plus judicieuse face au climat et à ses lubies que l’obsession actuelle et fort libérale pour des échelles de temps d’à peine 100 ans (une éternité pour un trader, je le conçois). Car s’il en va de même de l’économie et de la météo – deux phénomènes incontrôlables et incontrôlés – le temps de l’une ne peut pas s’appliquer à l’autre. Par ailleurs, si réchauffement il y avait bel et bien, notons que les conséquences, selon que vous habitiez à Moscou ou au cœur du Sahel, seraient bien différentes dans chaque cas et loin d’être systématiquement négatives… Disons que le prêche de la fin des temps est la vision imposée par certains pays à l’économie si ce n’est florissante du moins déterminante ! Je revoyais récemment La Ligne rouge, le très beau film de Terence Malick – cinéaste panthéiste s’il en est – qui conte la bataille de Guadalcanal. Deux images me restent en mémoire. Tout d’abord celle d’un peloton US avançant dans la terreur de l’armée japonaise et croisant un sémillant autochtone rentrant, bonhomme, de la pêche sous le regard incrédule des américains : tout le monde ne vit pas sur terre dans la même réalité. Ensuite, après, la bataille, je me souviens du soleil traversant les feuilles des arbres par des trous tantôt du fait des balles, tantôt de celui des chenilles : pour se dire que toutes transformations du milieu est imputable à l’homme encore faut-il penser que ce dernier est le maître du monde. C’est là une vision parfaitement occidentale. Autrement dit, l’Orient s’en bat probablement les nattes de notre apocalypse. Certes l’activité humaine est particulière. En effet, si l’on tient compte du fait que taille et nombre sont liés à la surface du globe, c'est-à-dire qu’il est normal sur Terre qu’il y ait plus de fourmis que de d’éléphants, alors la réussite de l’homme, animal surdéveloppé devenu « agent géologique » (chaque année, l’homme déplace plus de terre que la Terre elle-même), est démesurée. Elle se chiffre comme l’on sait en milliards d’individus alors que nous devrions n’être que quelques millions. Toutefois, le fait que des gouvernements cherchent à imposer un fait encore hypothétique – et surtout éminemment relatif – alors que l’humanité est chaque jour confrontée à la faim, aux maladies, au manque d’eau sans que des sommes suffisantes soient allouées à la résolution des ces réels problèmes, demeure parfaitement irresponsable et relève sans doute davantage du renouvellement de la tête de gondole d’un marché en quête d’un nouveau paradigme que du légitime souci de l’avenir de nos contemporains. Tout le monde est allé faire sa cuisine à Copenhague pour nous servir du réchauffé, peu sont allés à Istanbul alors que le problème de l’eau potable est extrêmement concret ! Par ailleurs, si la nature est inquiète elle n’en est pas pour autant névrosée : confondre principe de précaution et risque 0 relève pourtant de la névrose…

Enfin, et c’est le seul point sur lequel je me permets d’être formel, il est permis et même conseillé de préférer le cinéma de Terence Malick à celui de Roland Emmerich.

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