jeudi 22 avril 2010

« A quelque chose malheur peut être est bon. » Marie-Louise Fischer

Il vient parfois un moment dans la vie où il faut lire à tout prix. Parce qu’on a plus le choix. C’est un moment terrible, sans échappatoire. C’est un moment où il faudrait avoir de la chance. Mais je vais bien vite en besogne. Alors voilà, disons que j’ai dû, pour des raisons qui me sont encore obscures, passer ces derniers jours en un lieu reculé, une terre noire et intimidante, une ville balnéiforme du nom de Colwyn Bay qui orne sans chichi la côte nord du Pays de Galles. J’en suis revenu – de ce voyage comme de son idée même – avec deux certitudes, ce qui n’est pas si courant. Tout d’abord si ma connaissance de la langue de Bonnie Tyler s’avère suffisante pour communiquer platement avec mon prochain, ma compréhension de celle de Dylan Thomas est en revanche insuffisante pour espérer m’épanouir pleinement en dehors d’un supermarché. Ensuite, je me suis aperçu que je préfère encore lire n’importe quel livre plutôt que de me laisser périr d’ennui tout au long d’interminables matinées pluvieuses.

C’est néanmoins sans précipitations d’aucunes sortes, et après avoir tenté de réparer une console PS3 durant plusieurs heures, que j’ai fini par me rendre dans le salon pour choisir un livre dans la bibliothèque de mon hôte – une robuste galloise au gîte peu couteux mais au couvert expérimental. Aux glorieux côtés des œuvres complètes d’Henry James, bien malheureusement inabordables pour qui ne maîtrise que la langue de Tom Jones, un ouvrage en français attira mon attention. C’était une traduction, aux éditions Les Presses de la Cité, d’un roman allemand, Kriminalmeisterin Monika Berg sobrement renommé Monika dans la langue de Jean-Claude Brialy. L’ombre d’Ingmar Bergman planait sur la pièce mais c’est Marie-Louise Fischer qui fît son entrée. Marie-Louise Fischer est née le 28 octobre 1922 à Düsseldorf parce que l’univers est fortuit et chaotique à ses heures, et est décédée le 2 avril 2005 à Prien am Chiemsee en Bavière parce qu’une force supérieure, souvent débordée mais néanmoins professionnelle, a décidé de remettre un peu d’ordre dans ses affaires. Lâchons le mot : bien qu’à la vue de l’ouvrage rien ne m’y prépara, j’avais affaire à un écrivain. Une typographie emprunte de toute la balourde fantaisie des années 70, des couleurs hardiment accordées, un visage féminin artistiquement flouté, un pistolet Walther PPK assorti de son silencieux en évidence – l’arme des princes et des espions internationaux : si l’atmosphère de troublante sensualité et de sourde menace de la couverture ne pouvait laisser personne indifférent, l’aspect littéraire en revanche ne sautait pas aux yeux. Il me fallait pourtant m’en convaincre quoi qu’il advienne. Mis en demeure par la pluie, acculé par le manque – de savoir comme de distraction – j’emportai Monika jusque dans ma chambre avec le désir coupable d’en dévorer l’essence, de me repaître de ses caractères et de leur corps jusqu’au dernier feuillet.

Quatrième de couverture telle qu’en elle-même :

« À quelque chose malheur peut être bon. Une vie qui commence mal peut se redresser en cours de route. C’est ce qui arrive à Monika. Echaudée par la plus triste – et la plus banale – des aventures auxquelles sont exposées les jeunes filles trop confiantes et pour qui « la morale de maman » ne compte plus, voici qu’elle a décidé d’entrer dans la police avec le ferme dessein d’aider de son mieux les adolescents en péril. Seulement voilà : il y a des règles bien sévères dans la police. Les suivre, c’est quelquefois fermer durement son cœur. Ne pas les suivre, c’est s’exposer à de bien fâcheux mécomptes.

L’auteur trouve ainsi le moyen de nous présenter d’une manière réaliste un impressionnant défilé de cas, hélas ! trop fréquents de nos jours… et sans doute aussi de tout temps.

Que penseront de Monika ses chefs ? Que pensera d’elle son collègue Mark Heller à qui, d’emblée, elle ne semble pas indifférente ?

Alertement contée, sans aucune longueur ni digression, l’histoire de Monika apportera au lecteur l’impression de mieux être au fait des problèmes de la jeunesse et d’une police qui cherche à se montrer plus compréhensive. »

On le devine, Monika augure du meilleur, de cette qualité supérieure qui est également l’apanage du vin lorsqu’il est conditionné en bouteille plastique d’un litre et demi voire en cubi de cinq litres. Il est difficilement permit de douter de la sincérité crasse d’un auteur s’exprimant sans détour dans la langue de Michael Schumacher.

Je me suis enquis auprès de ma logeuse de son sentiment sur l’œuvre de Marie-Louise Fischer. En guise de réponse, j’eus droit à une improbable grimace dans la langue de Jim Carrey. Nos livres sont parfois comme des vêtements qui ne nous vont plus ou pas. Ainsi nous sont-ils trop larges ou trop étroits. Ainsi les découvre-t-on et les redécouvre-t-on inlassablement, se révèlent-ils merveilleux ou ne les aime-t-on plus, se demande-t-on quelle force obscure nous a poussé à nous les procurer.

Ceci étant dit, le cas de Marie-Louise Fischer rend pratiquement caduque toutes ces questions tant son livre – et son œuvre à n’en pas douter – est à la bêtise ce que le Cambodge est à la jambe de bois. Afin d’en épargner la lecture – même et surtout accidentelle – à quiconque serait en proie à un désœuvrement d’envergure, je me propose pour conclure de résumer astucieusement Monika à l’aide de sa première et de sa dernière phrase : « Hier, j’ai effectué ma première ronde depuis mon entrée au service de la protection juvénile. » « C’était bien. »


2 commentaires:

  1. Frederic Frankenstine25 avril 2010 à 17:43

    A la lecture de ce texte plusieurs questions me brulent les lèvres :
    - Qu'en est-il du passé trouble de mémé ?
    - Qu'en est-il de ces agressions contre des pantalons français ?
    - Qu'est-il de la sécurité dans les toilettes anglaises ?

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  2. Des questions qui vous honorent, mon cher Frankenstine.

    Elles resteront malheureusement sans réponse tant le notion même d'honneur serait, par leur abonimable entremise, réduite à peu de chhose.

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