jeudi 16 décembre 2010

Lectures : "Mes Prix littéraires" de Thomas Bernhard et "La Carte et le territoire" de Michel Houellebecq




















On vient de remettre des prix littéraires à des gens. C’est toujours un peu agaçant. On peut d’un côté se réjouir que dans la boue médiatique ambiante on parle un peu de littérature, mais le panier de crabe du milieu littéraire est assez dégoûtant. On sait bien que les prix littéraires n’ont pas la moindre valeur, que tout cela ce n’est que tractations souterraines, arrangements entre éditeurs, repas entre gens du monde et renvois d’ascenseurs entre journalistes. Certes, les hasards de la vie font que parfois des écrivains potables sont récompensés : NDiaye, Weyergans ou Echenoz ont bien eu le fameux Goncourt récemment. Mais la plupart du temps, on récompense des croûtes. Pour autant, même si l’on ne place aucune foi dans ces histoires de prix, on aimerait qu’il y ait des limites au n’importe quoi.

Ainsi, pétri du désir d’être dans le vent, j’ai entrepris la lecture de La Carte et le territoire, le roman qui vient de valoir le Prix Goncourt à Michel Houellebecq. Comment dire… je suis un peu gêné pour dire ce que je pense vraiment de cet ouvrage car il m’a été prêté et recommandé par des amis que j’aime bien, qui m’ont dit l'avoir apprécié et qui lisent parfois ce blog. Pourtant, sans désir aucun de blesser ces amis ni de mettre en cause leur jugement littéraire, je ressent quand même le désir de l’écrire clairement en toutes lettres :

LA CARTE ET LE TERRITOIRE DE MICHEL HOUELLEBECQ
EST AHURISSANT DE CONNERIE !


Là. Car enfin que cet homme soit publié, vende des livres, reçoive des prix, ait des critiques positives dans la presse et soit peu ou prou considéré comme le grand écrivain français actuel en écrivant des merdes pareilles, ce n’est pas que je trouve cela scandaleux : je trouve ça simplement incompréhensible. Je ne comprends pas. Cette chose, ce fatras qu’on n’ose appeler roman m’est tombé des mains au bout de 30 pages. 30 pages écrites n’importe comment, dans un français vacillant, sans le moindre style, sans le moindre esprit, sans la moindre beauté, sans le moindre humour, 30 pages aigries où l’auteur étale son mépris de la vision qu’il a des gens avec une prétention et une suffisance écœurantes. 30 pages passées quasiment exclusivement à critiquer les plombiers qui font mal leur travail, bordel de Dieu ! En lisant chaque phrase de ces 30 pages, je me suis dit qu’il faudrait prendre le temps de parler de chacune des phrases une à une pour expliquer à quel point ce roman est de la merde, mais ce serait une vaste tâche bien écœurante et je n’ai pas que ça à faire. À la 30ème page, n’en pouvant plus et me disant que la vie était trop courte pour la perdre avec ce genre de choses, je me suis dit que la meilleure chose à faire était de faire honte à Houellebecq en faisant suivre la lecture de ces quelques pages de son torche-cul par celle de Mallone meurt de Beckett. Contraste saisissant. Ça a parfaitement marché.

Mais la lecture du début de ce sidérant Goncourt 2010 m’a remis en mémoire Mes prix littéraires, délicieux petit recueil de textes inédits du poilant et odieux et génial écrivain autrichien Thomas Bernhard paru récemment. Qui a lu les romans et les pièces de théâtre de Bernhard connaissent son extraordinaire style, tout de très longues phrases et de répétitions obsédantes mises au service d’un humour et d’une agressivité qui font passer ce pauvre Houellebecq pour un romancier à mémères, ce qu’il est, bien sûr. Qui s’est penché sur l’existence de Bernhard sait qu’il a vécu comme une sorte de punk, habitant une maison dans les bois avec une vieille femme rencontrée au sanatorium qu’il appelait sa « tante », passant son temps à insulter le milieu artistique et littéraire autrichien, prenant en particulier un malin plaisir à faire des scandales invraisemblables à la remise des nombreux prix littéraires qui lui furent pourtant décernés. Ce qui m’a toujours frappé chez Bernhard, outre son superbe style, c’est son humour fait de mauvaise foi assumée et d’agressivité. Ainsi, bien qu’il couvre en permanence de caca les milieux littéraires de son pays, il accepte presque avec avidité les prix, ou plutôt l’argent qui va avec, expliquant que quand un crétin a du pognon et qu’il veut vous le donner, il serait bien idiot de ne pas le prendre. D’où une obsession sur le montant de la dotation financière allant avec le prix, le ramenant vicieusement et de la manière répétitive qui est la sienne à cette somme en Marks ou en Schillings et aux choses incongrues auxquelles il va consacrer cet argent. Bernhard déploie pour décrire ce ridicule monde des prix littéraires une haine, une agressivité et une mauvaise foi des plus réjouissantes… ou, si l’on veut parler comme un journaliste, des plus « jubilatoire » ou encore « nécessaire ». Et c’est d’autant plus rigolo si on le compare à Houellebecq, écrivain estampillé rebelle, ombrageux, en rupture avec le milieu littéraire mais qui, d’après les gens qui le connaissent, attendait, lui, d’avoir le prix, le Goncourt, avec une incroyable avidité et en aurait chié une pendule s’il ne l’avait encore pas eu...

2 commentaires:

  1. Cher Ernesto,

    Ce bon sens dont vous faites preuve dans ce texte me réconforte au plus haut point. Cela fait déjà longtemps que je touve pauvre, voir mauvais, les écrits de Houellebecq, confrontant cet avis à de nombreux aficionados de cet écrivaillon, me demandant si ils comprenaient ce qu'ils lisaient, si ils connaissaient le sens du mot "littérature".
    Je suis heureux de constater que vous conserver le sens du gout.

    Bien cordialement

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  2. Que dire de plus ?

    Je n'ai pas lu le "dernier Houellebecq", mais d'après ce que vous en dites, cher Palsacapou, rien de neuf sous le soleil depuis "La partie de cul élémentaire"...

    désespérant.

    Ton Hrundi.

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