vendredi 4 février 2011

L’oubli profite aux poissonniers

Tiens, si on mangeait du poisson. C’est une idée ! C’est bon pour la santé. C’est léger. Ça change, on n’en mange jamais. Pourquoi n’en mange-t-on jamais ? On ne sait plus. Mangeons du poisson, alors. Chic chic chic. On va donc chez le poissonnier. Où y a-t-il un poissonnier dans le quartier, déjà. On ne sait plus, on n’y va jamais. On erre dans le quartier. On finit par en retrouver un. On entre. Ça pue. On étudie les créatures mortes qui jonchent la glace pilée. On ne connaît pas le nom de la moitié d’entre elles. On considère celles que l’on connaît : thon, saumon. Thon, ça ressemble trop à la viande. Si c’était pour manger de la viande, autant aller en prendre de la vraie chez le boucher. Saumon, alors. Et puis ça fait chic, le saumon. On cause avec la poissonnière. Elle est vulgaire. On fait sa petite affaire. On se retrouve avec un paquet froid et gluant quasiment hermétiquement fermé. Et qui pue. On rentre chez soi en puant. On quitte avec précautions sa veste pour ne pas l’empuantir. On échoue. On s’apprête à cuisiner. On sort les ustensiles. Comment ça se prépare, déjà, le poisson ? Dans une poêle, allez. On va pas s’embêter. On ouvre le paquet. La puanteur augmente. On prend les morceaux de poisson mort dans ses mains et on les jette dans la poêle. On pue des mains. On va se les laver à la salle de bain. On les sèche. Nos mains sentent maintenant le savon et le poisson. On attend. Le poisson est cuit. On commence à avoir faim. On s’attable. On aimerait attaquer gaillardement notre repas, mais il faut d’abord étudier attentivement l’anatomie de l’animal que l’on a devant soi afin de procéder à l’ablation des parties non comestibles : têtes, peaux, nageoires, tentacules. Une fois dégagée la partie potentiellement comestible de la bête, il faut encore refréner sa faim et déterminer l’emplacement des arrêtes. On s’énerve. On a faim. Tant pis : on découpe un gros morceau de l’animal et on se l’enfourne dans la bouche. Il s’avère être une boule d’épingles avec quelques molécules de chair de poisson dessus. On recrache une boule gluante dans son assiette. On arrache les arrêtes plantées dans son palais. On les met au bord de l’assiette. On étudie la boulette de déjection pour tenter de séparer arrêtes et chair de poisson baveuse. On met les arrêtes sur le bord de l’assiette. On se ré-enfourne la boule de chair de poisson baveuse dans la bouche. Il reste des arrêtes, mais moins. On peut les enlever à même sa bouche avec les doigts. On met les arrêtes sur le bord de l’assiette. On réitère l’opération. Le tas d’arrêtes baveuses grossit. Le temps mis à manger devient agaçant. On pense à l’artichaut qui permet également de mettre des heures à manger de petites quantités de quelque chose de pas très bon. Le tas d’arrêtes baveuses commence à prendre toute la place dans l’assiette. On finit par mettre ce qui reste de poisson potentiellement comestible avec les arrêtes parce qu’on en a marre et que de toute façon, il n’y a plus de place dans l’assiette pour opérer avec toutes les ordures qui l’encombrent. Le tas d’organes de poissons non comestibles commence à refroidir. Ça pue. On pense au hideuses créatures translucides et aveugles qui peuplent les profondeurs des océans et que l’on a vues dans un documentaire jadis, à l’époque où l’on regardait la télé. On va se laver les mains. Le savon sent le poisson. On a encore faim avec toutes ces conneries. On se bourre de pain et de yaourt, qui ont le goût de poisson. On débarrasse la table. On vide le tas d’ordure de son assiette dans la poubelle. Il faudra penser à la vider rapidement, même si elle n’est pas pleine, sinon toute la maison va puer. On pense à Abyss, aux Dents de la mer, à Piranha et l’on se dit qu’on ne mangera plus jamais de poisson. On n’en mange pas de 3 ans et on est quand même en parfaite santé. 3 ans plus tard, on se dit…

Tiens, si on mangeait du poisson. C’est une idée ! C’est bon pour la santé. C’est léger. Ça change, on n’en mange jamais. Pourquoi n’en mange-t-on jamais ? On ne sait plus. Mangeons du poisson, alors. Chic chic chic. On va donc chez le poissonnier…

2 commentaires:

  1. Cher ami,

    Soit. Le poisson pue, mais bien cuisiné, il ne pue plus (quoi que, selon la variété, la négation n'est pas forcément de vigueur).
    Laissez moi vous conseiller un filet de lieu, une aile de raie, une truite, une anguille.
    Vous éviterez ainsi bien des arêtes et des désagréments.
    Découvrez le court bouillon, une alternative simple à la cuisson d'un poisson pour les novices en cuisine.
    Dans tous les cas, soyez sur que, quel qu'il soit, votre poisson est de toute façon bourré de toxines diverses et autres traces médicamenteuses déversés depuis des décennies par des industries polluantes, nombreuses et variés (des industriels de tout poil, en fait) sous prétexte de profit et que le bien commun comme l'air, la terre, la mer, on s'en fout. Quand il n'y aura plus que ça, on bouffera des billets et que y parait que vive le capitalisme et le libéralisme, quitte à en crever et que penser autrement est un délit, espèce de terroriste, c'est Sarkosy qui l'a dit. Ailleurs, dans de grands pays dit démocratiques, c'est déjà en vigueur, le délit d'opinion.
    Alors ne pense pas, bouffe ton poisson. Bientôt, de toute façon, il n'y en aura plus. Nous irons alors chez le marchand de "soleil vert". J'en prendrais deux, mais du frais!

    Cordialement.
    Votre dévoué.

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  2. Comment ça, ils n'ont pas l'air appétissant, ces poissons ?

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