mercredi 12 janvier 2011

Coiffeurs, soyez maudits !

Comme le pou, le coiffeur est un parasite du cheveu, a écrit quelque part je ne sais plus qui. Peut-être Pierre Desproges. De fait, les coiffeurs sont des gens pénibles. Quoi de plus agaçant que d’aller chez le coiffeur ? Et même si on ne va pas chez eux, ces créatures de Satan offensent le passant avec leurs enseignes aux jeux de mots révoltants à base d’apostrophes tels que « Créa’tif », « Mode hair’ne » ou encore « Idée’coiff ». Et il faut bien de temps en temps se résoudre à pousser leur porte, et c’est là que se révèle leur vilenie.

J’ai fréquenté un temps un salon de marque situé près de mon bureau, de ces salons où l’on se fait dépouiller comme au coin d’un bois de 28 euros pour se faire tondre. J’ai rapidement dû cesser d’honorer cet établissement de ma clientèle car son immondice m’est vite devenue intolérable. Y étant retourné plusieurs fois, le coiffeur a fini par me connaître et il a commencé à se relâcher : et que je te propose le Figaro magazine pour patienter, et que je te tiens mille propos racistes et poujadistes pendant que je te patouille la tête, et que je tente de te mettre des produits poisseux et odorants sur le crâne… la liste de ses exactions n’en finissait plus de s’allonger quand il commit finalement l’acte qui me fit dire « Trop, c’est trop ». Un beau jour, alors qu’il me disait qu’il fallait que je fasse attention car je commençais à me dégarnir (ce qui est d’ailleurs faux), il prit mon marmonnement pour une invitation à donner libre cours à tous ses vices et commença à me faire de la retape pour un produit miracle sensé enrayer la chute des cheveux. Je commençais à essayer de me dépêtrer de son baratin commercial bien huilé quand je m’aperçus qu’au fond, je n’avais jamais prêté attention au physique de mon coiffeur. N’écoutant plus son laïus, je concentrai mon attention sur son crâne et remarquai pour la première fois la marque des cuisses sur ses tempes dégarnies. Quoi ? Un connard à moitié chauve tente de me fourguer pour un prix ahurissant un produit contre la chute des cheveux ? Coupant court à ses idioties, je lui expliquai amèrement que sa poudre de perlimpinpin, c’était du flan mais que mon cul, c’était pas du poulet avant de quitter son établissement pour n’y plus jamais revenir.



Mais quelques semaines plus tard, constatant avec agacement que ma tignasse avait à nouveau cessé d’être présentable, je dus me mettre en quête d’un nouveau coiffeur. Lors d’une promenade sans but précis dans le Xème arrondissement, j’avisai le Passage Brady qui est, de nos jours, comme on le sait, occupé quasi exclusivement par des restaurants et commerces indiens, pakistanais, sri-lankais ou assimilés. Et c’est en glandant mollement entre les devantures chamarrées de restaurant de fausse cuisine indienne tenus par de vrais indien que je tombai sur un établissement intéressant.

Pas d’enseigne, une vitrine sobre proclamant sans chichis faire « la coupe à 5€ » et à l’intérieur, deux types endormis la joue contre les rasoirs et les peignes : mon coiffeur idéal était devant moi. Je rentre. Un des deux types se réveille et s’approche de moi, un Adonis selon les ahurissants critères de beauté masculine qui règnent dans le sous-continent indien : petit, grassouillet et arborant fièrement une moustache de type balai-brosse. Miracle : il ne parle pas le français. Et comme je ne parle pas le Tamoul (je fais la supposition qu’il est Tamoul), nous ne nous disons rien, il ne me propose pas de revue, ne me propose pas de me laver les cheveux et m’entraîne directement sur le siège. Seule concession au grotesque rituel du coiffeur, il me fait comprendre qu’il souhaite que je lui dise comment je veux qu’il me coupe les cheveux. Absurde question ! Un coiffeur, même s’il parle votre langue, vous demande toujours comment vous voulez qu’il vous coupe les cheveux puis entreprend toujours ensuite de les couper selon son bon plaisir sans tenir le moindre compte de ce que vous lui avez demandé. Toujours. Enculés de coiffeurs. Mais là, fantastique : nous ne faisons pas mystère de l’absurdité de ce rituel puisque, de toutes façons, il ne comprend pas un mot de ce que je lui demande. Je lui demande donc n’importe quoi avec force gesticulations et il entreprend tout naturellement de me tondre, comme tout le monde. L’affaire prend cinq minutes, se déroule dans un complet silence, il ne m’emmerde avec aucune opinion politique foireuse et je ne suis oint d’aucun produit malodorant. Le coiffeur idéal.

Pourtant, rien n’est parfait dans cette vallée de larme. En effet, ayant relâché ma vigilance, je faillis ne pas réagir à temps pour contrecarrer les projets néfastes de mon nouveau coiffeur. Car ayant fini de me couper les cheveux, mon homme agrippa une minuscule paire de ciseaux, posa une main sur mon front et ayant basculé ma tête en arrière, entreprit de me couper les sourcils.

Une tradition tamoule, sans doute. Mais exotisme égale méfiance : je veillais et je réagis à temps, le repoussant spasmodiquement avec un « non mais ça va pas la tête ! ». Il me répondit quelque chose en Tamoul et abandonna à regret son grotesque projet. Mais nous nous quittâmes en excellents termes quand même.

J’y suis retourné depuis et il se souvenait de moi. Au point de ne même pas réessayer de me raser les sourcils. Je suis peut-être son seul client occidental et, par conséquent, le seul à ne pas se soumettre à la tradition du rasage de sourcil. Je suis peut-être même son seul client tout court car je n’ai jamais vu personne dans sa boutique et ils sont toujours plus ou moins en train de roupiller quand j’arrive. Le coiffeur idéal, vous dis-je.


2 commentaires:

  1. Toujours dans le Xème, mais plus à l’est, pour deux euros de plus, j'ai eu, pour ma part, recours aux services d'un "salon" nord africain pratiquant l’abattage (quatre figaros en batterie). Les qualités attendues sont respectés : temps de réduction du cheveu limité et coût réduits, temps d’attente nul. La maudite question ‘Comment les coupe-t-on ?’ posée sans conviction et sans conséquence : la coupe est standard, surement pour optimiser le processus décapillatoire.
    J’ai raté une analyse d’une révolution tunisienne probablement plus pertinente que bien des analyses de J.L. Bourlanges. Mais je ne parle pas l’Arable. Donc mon opérateur a causé avec mon voisin de tonte. Et pourtant, il manque quelque chose.
    J’avoue regretter amèrement la très opulente poitrine de Mlle Dalila, la sémillante shampouineuse de quelque salon chic en face du lycée Condorcet. Emu souvenir que celui de ma nuque entravée dans son décolleté alors que l’eau chaude, guidée par la douce caresse de sa main experte glissé sur mon pelage de jeune mâle.

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  2. Il est vrai que la poitrine de la coiffeuse peut être un élément à considérer...

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