mardi 2 novembre 2010

Je vole !


On est comme ça : on aime jouer au sociologue amateur et évoquer avec minutie le fonctionnement des groupes humains auxquels on est confronté. Ainsi, tantôt, nous discutions mon ami Toufik et moi du petit monde étrange et fortement hiérarchisé que constituent les gens gravitant autour des aérodromes pour pratiquer pilotage, vol à voile, parachute et autres joyeusetés aéronautiques.

Au sommet de cette hiérarchie, se trouvent sans conteste les pilotes. Ils ont tout pour eux. Ils possèdent un avion : ils sont riches. Ils savent le piloter : ils maîtrisent une compétence délicate et fascinante. Ils pilotent un avion : tout le monde à l’aérodrome a besoin d’eux. Leur avion est une puissante machine mécanique : ils sont l’être humain dominant la nature, dépassant ses limites au point de réussir à voler, ce qui, quand on y pense, n’est pas de la merde.

Un peu en dessous et pas mal à côté, nous trouvons les vélivoles. C’est-à-dire, ceux qui font du vol à voile. C’est-à-dire ceux qui pilotent des planeurs. Ceux-là, rien qu’au fait qu’ils utilisent un mot grotesque pour se désigner eux-mêmes, on sent qu’ils ne sont pas bien nets. Piloter un planeur, c’est à la fois plus simple que piloter un avion (y’a pas de moteur) et plus compliqué (y’a pas de moteur). La gloire des vélivoles (quel nom grotesque), c’est que pour faire voler leur engin, il est nécessaire de prendre en compte des paramètres que peuvent ignorer les pilotes tels que la nature des masses d’air, la forme des nuages, le type de terrain survolé, paramètres qui influent grandement sur la navigation de l’appareil. Les vélivoles (pffff) s’estiment ainsi proches des oiseaux et de la nature en général en une sorte de délire panthéiste de hippie qui les amène à considérer les pilotes d’avions à moteur comme des démons du machinisme froids et insensibles, coupés de leur nature humaine par leur fusion avec la machine. Mon camarade Toufik, qui est un vélivole (ça fait un peu gay, ce mot, quand même), affirme ainsi un jour avoir, aux commandes de son planeur, suivi une buse pour s’inspirer de son vol. Il s’est pourtant bientôt aperçu que c’était la buse qui s’était mis à s’inspirer du vol de son planeur, se disant sans doute dans son esprit de buse qu’une espèce qui a été sur la Lune et qui a inventé la bombe nucléaire et l’orchestre symphonique devait forcément en savoir plus qu’elle sur la nature des courants ascendants. À juste titre. Les hippies sont nuls. Bref.

En dessous des vélivoles (rh ! rh ! rh !), nous avons les parachutistes. Le parachutiste, on le respecte, parce que, quand même, il se jette dans le vide à 4000 mètres d’altitude avec juste un bout de toile accroché à des fils dans un sac à dos. Ça la pète. C’est con, mais ça la pète. Mais il est quand même en dessous dans la hiérarchie, car enfin, le parachutiste, il ne vole pas : il tombe, ce qui n’est guère noble. Par ailleurs, le parachutiste est l’obligé du pilote, car il a besoin de lui pour pratiquer son activité, alors que le pilote se suffit à lui-même.

Tout en bas de cette hiérarchie, se trouve la boue, la fange, ceux qui passent pour des blaireaux auprès de tous : les pilotes d’ULM. L’ULM, c’est nul. C’est un engin disgracieux et grotesque, volontiers peint en fluo qui possède à la fois ce que les pilotes considèrent comme l’inconvénient du planeur (fragilité, manque de sérieux…) et ce que les vélivoles (…) considèrent comme l’inconvénient de l’avion (moteur, bruit, pollution…). Nul est l’ULM. Nul et fluo.

En marge de tous ces gens, signalons encore les fanatiques d’aéromodélisme. Ils ne volent pas eux-mêmes, mais ils savent faire voler et réparer leur avion miniature, ce qui leur vaut un certain respect de la part des autres.

Enfin, en dehors de la hiérarchie du peuple de l’air et de passage très brièvement dans leur monde étrange, il y a votre serviteur et ses semblables, à savoir les rigolos qui viennent « s’initier » au parachutisme, c’est-à-dire se pointer un samedi après-midi pour sauter dans le vide attaché contre le ventre d’un monsieur qui sait sauter en parachute. Mais ceci est une autre histoire qui fera l’objet, ou non, d’un autre texte.

1 commentaire:

  1. On dirait du Saint Ex, en mieux, ce qui n'est pas forcément très dur (en ce qui concerne l'écriture, parce que, côté manche, cela ne devait pas en être un -de manche-). Faut dire que de Mermoz à Goering, l'aviation a toujours eu un petit côté fascinant, comme on dit dans 'Das Adler'. Sans parler de Howard Hughes.
    Bon y'a les aigles noirs et les autres, ceux qui ne ramènent que des buses auvergnates...

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