lundi 18 octobre 2010

La nef des fous


J’ai un problème, dans la vie : j’ai tout le temps l’impression d’être entouré de fous. Peut-être que tout le monde a la même impression que moi, je ne sais pas. En tout cas, en ce qui me concerne, j’ai distinctement l’impression, que ce soit au travail, parmi des amis, en famille ou ailleurs, d’avoir tout autour de moi des gens complètement déments. Et le club de boxe ne fait certes pas exception. Dieu ! Que le gens sont fous, là-dedans. Tous les clubs de boxe que j’ai fréquentés étaient remarquablement fournis de ce côté-là et certains types de déments se retrouvaient régulièrement de l’un à l’autre. Passons-les brièvement en revue, si vous le voulez bien.


Le professeur taré

Ce n’est pas sa faute, le pauvre. Il va sur ses quarante ans. Il a entrepris dans sa jeunesse une carrière professionnelle, mais une rapide recherche sur internet vous révèle son palmarès : 12 combats, 0 victoires, 1 nul, 11 défaites dont 9 par KO dont 5 par KO au premier round. Ouch. Impitoyable est le monde de la boxe professionnelle. Il en a pris plein la gueule et, il faut bien le dire, ça se voit. Son nez a une forme irrégulière et son crâne est bosselé comme une vieille casserole en étain avec laquelle on aurait cogné longuement contre une enclume. Et conséquemment, il a un peu rayé son disque dur. Son élocution est étrange, il prononce mal certaines consonnes, parle très vite en avalant un mot sur trois. Ses explications techniques sur la boxe se répètent souvent tout en demeurant confuses. Sympathique, hein, très gentil, tout ça, mais complètement taré.


Le professeur crypto-gay

Ça, c’est un personnage très courant dans les clubs de boxe. Il est marié ou en ménage avec une femme. Il a éventuellement des enfants. Il enseigne la boxe. Bon. Dans les clubs de boxe, il y a, disons, 95% d’hommes parmi les élèves. Pourtant, les 5% de femmes présentes accaparent beaucoup son attention, l’inquiètent beaucoup. Il leur parle beaucoup, leur fournit beaucoup plus d’explications techniques qu’aux hommes, s’assure sans arrêt qu’elles ne se fassent pas mal ou qu’on ne les importune pas… puis ceci fait, il lance d’une voix puissante à travers la salle une remarque hautement signifiante telle que « bon allez, on n’est pas des gonzesses : vous m’faites trente pompes, là » ou « allez les mecs, un peu de nerf, là, bande de pédales » ou encore « qu’est-ce que c’est que ces uppercut de tapette ». Et ensuite, à la fin de l’entraînement, il est extrêmement présent dans les vestiaires, particulièrement dans les douches où il ne rechigne pas au contact physique, exhibant tatouage, comparant longueurs et diamètres tout en se lamentant sur les relations difficiles qu’il a avec sa femme. Sympathique, hein, lui aussi, je ne dis pas, mais qui refuse manifestement de prendre conscience de son orientation sexuelle.


Les femmes à la boxe

On pourrait se dire que la boxe n’est pas un sport de femme. Ou l’on pourrait ne pas se le dire. En tout cas, on l’a dit, il n’y a que 5% de femmes parmi les gens qui viennent s’entraîner. Ces femmes-là pour la plupart, disons le, ne sont pas nettes. Dans cet environnement très masculin et où, il faut bien le dire, le niveau d’éducation est assez bas, elles ne rechignent pas à porter des tenues extrêmement suggestives, à passer essentiellement le temps où elles sont au club à se promener dans ladite tenue de-ci de-là dans la salle devant des hommes suants en train de s’exercer sans jamais trop se livrer à quoi que ce soit qui ressemblerait à un entraînement… Pas très nettes, elles non plus.


L’ordure

Celui-là, il est extrêmement agaçant. Il y en a un dans mon club actuel. Dieu qu’il m’énerve. C’est ce type à l’air chafouin, qui boxe assez mal, qui critique tout et qui a le comportement suivant : lors d’un exercice ou d’un sparring (comme on dit), il vous explique longuement qu’il faut y aller doucement avec lui car ça fait longtemps qu’il ne s’est pas entraîné et qu’il ne faut pas taper trop fort parce qu’il a passé des radios et que il faut absolument retenir les coups avec lui parce que considérant qu’en dépit de son niveau il faudrait s’il te plaît y aller doucement car il y a des considérations médicales qui peuvent intervenir dans son cas et que etc. et quand vous commencez à boxer avec lui en prenant autant de précautions que si vous boxiez avec votre grand-mère, il se met immédiatement et sans vergogne à vous en bourrer plein la gueule de toutes ses forces. Une fois l’exercice ou le sparring (comme on dit) fini, vous vous promettez de lui maraver la tronche à l’exercice suivant mais il s’est déjà éloigné pour boxer avec quelqu’un d’autre à qui il commence déjà à resservir son discours bien rodé « il faut y aller doucement avec moi car ça fait longtemps que je ne me suis pas entraîné et qu’il ne faut pas taper trop fort parce qu… ». L’ordure.


La femme qui valait trois milliards

Peu de femmes à la boxe, donc, mais il y en a. Il y en a même qui viennent pour boxer. Celles-là, il se trouve, ont en général un très petit gabarit. 1m60, 50Kg. Et il advient parfois qu’il faille boxer avec elles, bien qu’on soit un homme qui fasse le double de leur poids. C’est un exercice amusant et très technique car, justement, on doit ne travailler que la technique. Si l’on devait effectivement se battre efficacement avec cette personne, on n’aurait pas besoin de savoir boxer : la simple différence de gabarit permettrait d’avoir le dessus. Mais là, contre tous ses instincts, il faut s’appliquer à travailler exclusivement la précision et l’élégance de ses coups. C’est très formateur. Elle, par contre, tranquillisée par cette même différence de gabarit, tape comme un sourd. Et c’est là qu’on se rend compte, qu’elle tape vraiment comme un sourd, étonnamment comme un sourd, compte tenu de sa masse musculaire. Au final, en fait, boxer avec ce genre de fille, ça fait un mal de chien.


Musclor

Il est énorme. Il fait trois mètres de haut. Il a des bras comme mes cuisses. Il se déplace pourtant avec la vitesse d’un guépard. Il a des poings comme des boules de bowling. Il boxe comme Mike Tyson. Et il est bête à bouffer du foin. Il est proprement terrifiant. Et de temps en temps, c’est contre lui que vous tombez. Vous ne savez même pas son prénom parce que, avec les autres, vous l’appelez Musclor. Vous ne pouvez donc même pas implorer sa clémence en l’appelant par son nom et vous n’avez certes pas envie de l’appeler Musclor devant lui. Et en plus, avec le protège-dents, il ne comprendrait pas ce que vous dites. Il ne comprendrait pas sans le protège-dents non plus, d’ailleurs, et de toutes façons, le protège-dents, vous ressentez l’impérieuse nécessité de le garder, face à lui. Vous êtes perdus. Vous allez vous faire répandre par terre. Vous ne serez bientôt plus qu’une flaque sanguinolente en train d’appeler sa mère (image étrange, j’en conviens). Et bien non : Musclor se révèle être très sympathique, prévenant, pédagogue, même. Il vous explique, vous montre les coups et vous invite courtoisement à les essayer sur lui. Vous hésitez un peu, quand même, mais il insiste « Vas-y vas-y, tape, je sens rien. Non mais vas-y j’te dis ! Plus fort ! Allez ! »… et vous vous retrouvez 3 minutes plus tard, épuisé et couvert de sueur, à lui avoir tapé dessus de toutes vos forces sans avoir réussi à lui faire le moindre mal. Il est terrifiant. Très sympathique, mais terrifiant.





5 commentaires:

  1. Encore une fois Maréchal, ce texte biche (comme on dit à Roanne) et m'a bien fait rigolé.

    Une vieille bique

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  2. Et celui qui écrit sur les fous, il ne serait pas aussi fou ?

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  3. Eh, c'est bien ça l'angoisse, précisément...

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  4. En tout cas, depuis Erasme, le sujet continue : fluctuat nec mergitur...

    http://bibliobs.nouvelobs.com/blog/pierre-jourde/20101029/22161/de-la-boxe

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