mercredi 4 août 2010

Un ami qui vous veut Dublin


Les voyages c’est nul. C’est un fait. Un voyage n’est jamais que désagréments. Mais bon, il y a des fois où l’on se trouve obligé de voyager quand même, qu’est-ce que vous voulez. Là, par exemple, je me trouve à Dublin. Qu’est-ce que je viens fabriquer à Dublin, me demandera-t-on, alors. Je n’en sais ma foi rien…

Pourtant, avant de partir, dans la vie réelle, quand je n’étais pas encore en voyage, les gens à qui j’ai parlé de mon prochain séjour à Dublin ont, pour la plupart eu la même réaction : « Dublin, c’est génial : j’y suis allé il y a X ans et j’ai adoré. Par contre, il y fait un froid de loup. Mais tu verras, y’a le Musée Guinness, et ça, c’est génial ! Il faut absolument y aller ! »

De cette curieuse unanimité parmi mes interlocuteurs, j’ai déduit plusieurs choses. D’abord, les français semblent tous aller à Dublin, pour une raison que j’ignore. Ensuite, leurs prédictions météorologiques se sont avérées jusqu’ici exactes. Enfin, renseignement pris, il semble bien qu’il y ait ici un Musée Guinness. Inutile de dire que je n’y foutrai pas les pieds.

Pourtant, que vais-je donc faire à Dublin si je ne vais pas au Musée Guinness ? Eh bien, je me suis attelé à faire la seule chose raisonnable qu’il y ait à faire avec de la Guinness : aller la boire dans les pubs. J’ai donc pu constater une chose étrange à propos de cette ville.

Comment dire… Quand on vous dit « Dublin », comme ça, vous pensez à quoi ? « Dublin, c’est génial : j’y suis allé il y a X ans et j’ai adoré. Par contre, il y fait un froid de loup. Mais tu verras, y’a le Musée Guinness, et ça, c’est génial ! Il faut absolument OUI ! Oui, je sais… ça va, non mais sérieusement, si on vous dit « Dublin », ça évoque quoi ? La bière, puis Joyce, Wilde, Shaw, Beckett ? Des écrivains, quoi ? Eh bien si vous pensez à ça quand on vous dit « Dublin », sachez que le syndicat d’initiative de Dublin sait déjà que vous pensez ça et il est déterminé à vous en donner pour votre argent quand vous viendrez.

Il y a ici une sorte de lubie sur les écrivains. Un peu comme à Stratford-upon-Avon en Angleterre qui a été transformé en parc à thème sur Shakespeare. Ici, à Dublin, le syndicat d’initiative a tout misé sur Joyce, Wilde, Shaw, Beckett plus Yeats et Heaney pour les touristes anglophones. Et de fait, il n’y a pas un pub où il n’y a pas une photo de tous ces écrivains au mur. On ne peut pas faire un pas sans tomber sur une statue de Joyce, sur une plaque en bronze avec une citation d’Ulysses, sur le pont Samuel Beckett ou sur la charcuterie George Bernard Shaw. Et dans les librairies, sur les présentoirs qui mettent en avant les livres que l’on veut spécialement vous vendre, vous avez les œuvres de tous ces mecs de préférence à toutes les bouses mondialisées genre Twilight ou les bouquins de Dan Brown que l’on trouve en tête de gondole dans toutes les librairies de la planète.

Non pas que je me plaigne de tout ça, mais ce qui me dérange, au fond, c’est que l’illusion est trop grossière, que le mythe du peuple littéraire est trop facile à percer à jour. Ce que je veux dire, c’est que si vous allez à Londres, au 221b Baker Street au Musée Sherlock Holmes, les gens qui viennent le visiter ont raisonnablement des chances d’avoir lu les romans de Conan Doyle. Alors qu’ici, à Dublin, tous les écrivains avec lesquels on nous tanne sont, à l’exception peut-être de Wilde, des écrivains extrêmement difficiles, dont la lecture suppose sans doute un intérêt spécialisé pour la littérature de la part du lecteur et donc que vraiment très peu de gens ont dû lire, tant parmi les dublinois que parmi les touristes. Alors certes, les dublinois ont peut-être dû se fader des bouts d’Ulysses à l’école, mais bon.

Je ne sais pas, c’est un peu comme si à Paris, on ne pouvait pas tomber sur un bistrot sans un portrait de Robbe-Grillet ou de Butor au mur… C’est peut-être aussi que Dublin, la ville des écrivains, n’a pas eu tant d’écrivains que ça.

Mais je suis bien naïf, là, aussi, de m’énerver sur l’industrie touristique…

3 commentaires:

  1. Lors d'un futur hypothétique mais nouvel échappé irlandais, n'oubliez point le musée Jameson. Un site, il est vrai, à l’attention du touriste que vous êtes et que nous sommes, mais il existe au moins en ces lieux une phase dégustation à laquelle je vous invite à vous porter volontaire.

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  2. Eh c'est vrai, je suis passé devant The Old Jameson Distillery mais ne l'ai pas visité non plus.

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  3. Bref, ce que j'en disais : le seul avantage est que l'on peut ainsi en ressortir bourré... Ce qui est toujours un début, me semble t il… Tant que l'on n'enjambe pas le "Ha'penny Bridge"!

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